Grand Theft Auto VI (GTA VI), personne n’en doute, est le jeu vidéo le plus attendu des dix dernières années. En décembre 2023, avec 93 millions de « vues » en vingt-quatre heures, sa première bande-annonce s’est imposée comme la vidéo ayant fait le meilleur démarrage de l’histoire de YouTube (hors clips musicaux). Les attentes des joueurs sont proportionnelles au succès de son prédécesseur, GTA V (2013) : il s’est écoulé à 200 millions exemplaires, un record battu seulement par le phénomène Minecraft. Mastodonte du divertissement, cette sulfureuse série de gangsters a pourtant des origines modestes, presque accidentelles, fruit d’un projet foutraque bricolé par un petit studio écossais, bien loin des métropoles américaines qui servent de décor à l’action.
Tout commence par des adolescents qui bidouillent des ordinateurs. La pratique n’avait rien d’innocent pour Russell Kay en 1984, alors qu’il fréquente le club d’informatique de Dundee, ville portuaire au nord d’Edimbourg : « Au début, j’y allais juste pour pirater des jeux vidéo. Tout le monde commence comme ça ! », raconte-t-il au Monde quarante ans plus tard. Agé de 16 ans, il y rencontre Steve Hammond, Mike Dailly et David Jones : « Rapidement, on s’est intéressés à la programmation et on s’est mis à coder nos propres jeux. » Quatre ans plus tard, David Jones réussit à vivre de sa passion en écoulant 20 000 exemplaires de son jeu de tir, Menace. Il en profite pour donner du travail à ses amis au sein de son studio, d’abord baptisé Acme Software et ensuite DMA Design.
A l’été 1989, Russell Kay aperçoit sur les écrans de ses compères des personnages pixélisés à la drôle de démarche. Il s’enthousiasme et les surnomme les « lemmings ». Peu à peu, la simple animation se transforme en un jeu de réflexion dans lequel il faut guider une cohorte de petits rongeurs anthropomorphes aux cheveux verts à travers des tableaux truffés d’obstacles. Dès sa sortie, en 1991, Lemmings suscite un engouement massif. En quelques années, il s’écoule à plus de 20 millions d’exemplaires, ce qui vaut au jeune David Jones le surnom de « Spielberg du jeu vidéo ». Il investit dans du matériel de pointe, embauche une centaine de personnes et signe un juteux partenariat avec Nintendo. « Il avait la stature d’un PDG, alors que nous, le business ne nous intéressait pas du tout. On avait juste besoin de nouveaux jouets pour s’occuper », se remémore Russell Kay.
Développement chaotique
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