L’entrée en vigueur, le 1er août, de l’AI Act, le règlement européen de régulation des opérateurs de l’intelligence artificielle (IA), soulève de nombreuses critiques. Ce texte s’inscrit dans une série de réglementations numériques européennes qui, malgré leurs intentions louables, révèlent une inquiétante contradiction : d’un côté, l’Union européenne affiche sa volonté de protéger les citoyens et les entreprises des dérives potentielles de l’IA ; de l’autre, elle perpétue une dépendance technologique qui fragilise sa position sur l’échiquier mondial du numérique.
Cette contradiction n’est pas nouvelle. Depuis le règlement général sur la protection des données en 2016, la Commission européenne a sabordé la protection des données, à rebours des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, et, plus globalement, a offert le marché européen aux géants américains du numérique, qui gèrent aujourd’hui plus de 90 % des données des entreprises du continent.
L’AI Act illustre parfaitement ce paradoxe. Alors qu’elle cherche à encadrer l’usage de l’intelligence artificielle, l’Europe continue obstinément de se scier la branche. Cette situation résulte d’années de compromis politiques et économiques, influencés par les intérêts singuliers de certains Etats membres comme l’Allemagne, soucieuse de préserver ses exportations vers les Etats-Unis, notamment dans le secteur automobile.
L’AI Act se trompe de combat
A la question : « Peut-on rire de tout ? », Pierre Desproges avait répondu : « Oui, mais pas avec tout le monde. » Il en va ainsi de l’IA. Nous avons devant nous une formidable révolution à venir, avec des apports que nous ne soupçonnons pas dans nos vies quotidiennes professionnelles et personnelles. Mais le véritable danger, c’est de savoir qui seront les fournisseurs des solutions d’IA et quels seront leurs intérêts singuliers. Ne recommençons pas les erreurs de la première vague Internet, dont nous subissons encore les dérives, notamment les réseaux sociaux.
C’est pourquoi l’AI Act est un texte qui se trompe de combat. Ne nous attaquons pas seulement aux dérives, mais remontons plutôt aux sources. Créons un espace européen numérique de confiance avec ses acteurs et ses règles. Depuis le Brexit, nous avons pu mesurer à quel point nos démocraties sont menacées par des ingérences étrangères. L’affaiblissement de l’Occident est une priorité commune à nombre d’Etats peu démocratiques. L’IA décuple leurs moyens d’action nocive, et constitue une menace pour notre sécurité. Les Etats-Unis se sont lancés dans une guerre politique et numérique contre ces menaces.
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