« Nous n’avons pas cédé à ces pressions, bien au contraire. » Manuel Valls a été ministre de l’intérieur (2012-2014) puis premier ministre de 2012 à 2016, époque de l’irruption d’Uber en France. Interrogé par la commission d’enquête parlementaire sur les « Uber Files », jeudi 11 mai, l’ancien socialiste a défendu l’action de son gouvernement face à une entreprise américaine prête à tout pour se développer dans le pays, tout comme ses anciens collègues au gouvernement Bernard Cazeneuve (ministre de l’intérieur de 2014 à 2016) et Alain Vidalies (secrétaire d’Etat chargé des transports de 2014 à 2017).
Perdre des milliards de dollars, défier les lois, semer le chaos… L’enquête « Uber Files », publiée en 2022 par Le Monde et ses partenaires du consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), a révélé l’étendue des mauvaises pratiques de la société de voitures de transport avec chauffeur (VTC), sur la base de documents internes transmis au quotidien britannique The Guardian par Mark MacGann, ancien lobbyiste en chef de la plate-forme en Europe.
En France, Uber a pu compter sur le soutien d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie de 2014 à 2016, considéré à l’époque par l’entreprise comme son meilleur allié dans le pays. Mais les anciens ministres socialistes estiment que cette ligne libérale ne l’a pas emporté, estimant au contraire avoir plutôt mis au pas la plate-forme.
Pas de « deal » validé par le gouvernement
Un point-clé des révélations des « Uber Files » a été largement évoqué par les trois ministres : la nature de la relation entre Bercy et l’entreprise. Le Monde et ses partenaires avaient révélé que l’ancien ministre de l’économie et Uber avaient négocié, à l’insu du reste du gouvernement, un plan de bataille en deux étapes : Uber mettait fin à son service illégal de chauffeurs particuliers UberPop et, en échange, M. Macron soutenait une simplification des conditions d’accès à la profession de VTC. Les « Uber Files » ont notamment révélé l’existence d’un SMS dans lequel M. Macron assurait à Travis Kalanick, le patron d’Uber, que Bernard Cazeneuve, à l’époque en première ligne contre la société, avait « accepté le deal ».
Auprès des députés, l’ancien ministre de l’intérieur a démenti catégoriquement avoir accepté, ou même avoir eu connaissance de toutes négociations du genre avec Uber. « Il n’y a pas de “deal” à avoir avec des acteurs qui, au motif qu’ils étaient financièrement puissants, estimaient qu’ils pouvaient se placer au-dessus des lois », a-t-il soutenu. « Je n’ai jamais eu connaissance d’un “deal” en 2015, a renchéri Manuel Valls. Je ne l’aurais pas accepté. Il faut se souvenir que les atteintes à l’ordre public avec des agressions physiques étaient nombreuses, graves. (…) Nous ne pouvions pas accepter une concurrence totalement déloyale et illégale. »
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