L’accord politique obtenu de haute lutte vendredi 8 décembre sur le projet de règlement européen sur l’intelligence artificielle (IA) marque probablement la fin d’un cycle de régulation acharné, qui aura marqué les cinq dernières années. Depuis l’entrée en fonction de la Commission von der Leyen, nous avons assisté à une déferlante de textes qui ont fait de l’Europe le régulateur du numérique pour le reste du monde. Pour beaucoup, cette abondance cache une incapacité à agir.
Et, de fait, comme rarement auparavant, la négociation du règlement sur l’intelligence artificielle aura malheureusement fait s’opposer les pro-régulation aux pro-innovations dans une dialectique nous faisant oublier combien la régulation s’inscrit dans le cycle de l’innovation en ce qu’elle en détermine le cours. Une invention pour devenir une innovation doit être accueillie dans le tissu social.
Cela se fait par l’usage, mais aussi par cette expression de volonté collective qu’est le droit. Son rôle est alors de nous assurer par le jeu de la délibération démocratique que la course technologique dans laquelle nous nous lançons est la bonne. Négliger cela revient, sinon, à croire que la technologie va d’elle-même résoudre les problèmes qu’elle créera, ou que nous pouvons agir uniquement de manière corrective.
A l’inverse de quoi, l’Europe nous offre la possibilité de faire régner nos principes d’ouverture, nos libertés fondamentales ou encore notre aspiration à la paix sur le développement technologique. Alors profitons-en, et rappelons-nous que rien ne sert de nous lancer dans une course dont la ligne d’arrivée est assurément un mur. Cette course-là, nous pouvons nous réjouir de ne jamais en avoir pris le départ.
Gestion du risque
Comme cela a bien été identifié au cours de ces cinq dernières années, la gestion du risque est devenue la boussole première de la régulation européenne sur le numérique, et le règlement sur l’intelligence artificielle en cours de finalisation en est peut-être l’expression la plus aboutie.
S’il est entendable que la responsabilité du législateur soit d’abord de nous prémunir des risques les plus importants, nous pourrons nous accorder sur le fait que cela ne constitue pas un objectif politique viable sur le long terme. Gouverner uniquement par le risque, ce ne serait pas construire un projet social, mais se contenter de ramasser les pots cassés. En amont de l’émergence des systèmes, nous devons établir les jalons nécessaires mais aussi les objectifs positifs auxquels nous voulons parvenir. Ce qui rejoint bien le rôle structurant que doit avoir la régulation dans le déploiement de l’innovation.
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