Le dossier est ouvert depuis près de deux ans. Il connaît, après un an d’enquête de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), sinon une conclusion, du moins un important point d’étape. Tout commence en 2021. La Ville d’Orléans, largement équipée en vidéoprotection, décide d’expérimenter la surveillance sonore et signe une convention avec l’entreprise Sensivic.
Les capteurs sonores développés par la start-up orléanaise sont déployés à titre expérimental sur plusieurs places emblématiques de la ville et couplés avec des caméras de vidéosurveillance. A 40 mètres à la ronde, ces petits boîtiers blancs enregistrent les bruits environnants. Le flux audio ainsi capté, saucissonné en tronçon de 10 à 64 millisecondes, est analysé en temps réel par les capteurs. Coups de feu, rixes, cris, verre qui se brise : ce que l’algorithme analyse comme des bruits anormaux déclenche immédiatement une alerte censée permettre d’orienter caméras et opérateurs vers la source sonore. En octobre 2021, le dispositif est officiellement dévoilé.
« Cela nous a immédiatement mis la puce à l’oreille », se souvient Bastien Le Querrec, juriste à La Quadrature du Net. En décembre 2021, l’association de défense des libertés publiques attaque la convention entérinant l’expérimentation devant le tribunal administratif d’Orléans. Elle dépose, en parallèle, une plainte auprès de la CNIL. Alors que la procédure devant le tribunal arrive à son terme, Le Monde a pu consulter le résumé de l’enquête du gendarme des données personnelles : il relève le caractère partiellement illicite de l’expérimentation. Dans son viseur : les risques que présente l’utilisation de la surveillance sonore quand elle est utilisée conjointement avec d’autres technologies, comme la vidéoprotection. La CNIL regrette, en outre, l’absence de cadre légal autour de ces technologies.
Traitement de données personnelles
A Orléans, l’expérimentation s’est déployée en deux phases. La première, d’octobre 2021 à octobre 2022, s’appuie sur le couplage des caméras de surveillance et des capteurs sonores. Même si la CNIL constate que les sons captés ne sont pas conservés par l’entreprise ou la collectivité, elle estime que la conjonction des données sonores et visuelles est constitutive d’un traitement de données personnelles car elle permet la « réidentification d’une personne physique ». « Notre objectif n’a jamais été d’identifier des personnes, se défend Florent Montillot, premier maire adjoint d’Orléans, mais des situations pour pouvoir y réagir le plus efficacement possible ».
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