Écosystème ou cage ? Voilà pourquoi on ne quitte pas Twitter

Écosystème ou cage ? Voilà pourquoi on ne quitte pas Twitter



Je ne pensais pas spécialement parler de l’élection américaine ni même d’Elon Musk, mais, un message sur Mastodon, puant littéralement la bien-pensance et la pseudo-bienveillance, me fait dire qu’il est temps de mettre les pendules à l’heure.

Visibilité

Lorsque Elon Musk a racheté Twitter et l’a transformé, beaucoup de gens ont annoncé quitter le réseau social et dit aux autres de faire pareil. Pour ma part, je suis présente sur Mastodon et sur Bluesky. Pour autant, je n’ai pas quitté Twitter, ni personnellement ni professionnellement.

Pourquoi ? Parce que je n’en ai pas les moyens. Mon lectorat se trouve principalement sur Twitter, de même que mes donateurs. C’est aussi simple que cela. Aujourd’hui, sur le compte Twitter d’Arcadie, j’ai 45 000 followers. C’est peu pour un média, mais beaucoup pour un individu. C’est moins que certains prédateurs de presse.

Sur Blue Sky, j’ai approximativement 4 800 abonnés et sur Mastodon, approximativement 3 400 abonnés. Ce sont globalement de bons chiffres, mais, comparé à la caisse de résonance qu’est Twitter, on comprend bien que ce n’est pas comparable. Je prends le pli de cross poster — c’est-à-dire de poster simultanément — sur les trois plateformes. Mais, cela n’est pas toujours facile ni possible.

Parts de marché

Pour bien faire, il me faudrait un outil dédié, permettant de cross-poster automatiquement sur les trois plateformes. Il y en a, mais ils sont payants. Or, les finances d’Arcadie ne permettent pas ce genre de fantaisies accessoires. Je préfère payer un abonnement à l’AFP plutôt qu’investir dans un outil de gestion de réseaux sociaux.

Aujourd’hui, je me contente d’avoir trois onglets Firefox ouverts : un pour chaque réseau social. Je suis obligée de limiter les réponses sur chacun d’entre eux, pour ne pas me retrouver avec des discussions à rallonge, invitant les gens à plutôt rejoindre mon salon de discussion Discord.

Comme tout chef d’entreprise, je dois aller là où les gens sont et il se trouve que les gens sont encore principalement sur Twitter. Et si j’avais un doute sur ce sujet, il me suffit d’ouvrir Matomo. Bluesky ne me rapporte quasiment rien en trafic et Mastodon, encore moins.

Disponibilité des sources

En tant que journaliste, j’ai une autre difficulté : mes sources sont sur Twitter. Je suis journaliste parlementaire et les parlementaires s’expriment majoritairement sur Twitter. C’est aussi sur ce réseau social qu’ils me suivent le plus, ce qui me permet d’échanger avec eux plus rapidement et plus facilement qu’en salle des quatre colonnes.

La majorité d’entre eux ne sont pas partis sur Mastodon ni sur Bluesky. Ils n’ont pas fermé leurs comptes Twitter. Même chose pour les sénateurs et pour les parlementaires européens. Mes confrères et consœurs du métier sont aussi majoritairement sur Twitter.

J’ai toute une chronique qui est principalement nourrie des absurdités balancées sur Twitter. Si je perds ce fil, je devrais passer mon temps à éplucher toute la presse quotidienne régionale, nationale, à regarder toutes les chaînes d’information en continu, tous les amendements, toutes les propositions de loi. Twitter me sert littéralement de fil d’informations, comme un flux RSS, mais sous stéroïdes.

Accessibilité financière et technique

S’il existait une alternative valable à Twitter, je serais probablement partie. Je ne l’ai pas trouvé. Cela ne veut pas pour autant dire que je cautionne les délires d’Elon Musk. En tant que petit média et journaliste, je n’ai tout simplement pas le choix. Et je n’aurais jamais pu « percer » professionnellement sans Twitter.

En un sens, j’ai creusé ma propre tombe, mais, Twitter était et reste un réseau social accessible pour qui n’a pas des moyens financiers considérables pour se faire connaître. Quand on est une entreprise qui dispose d’un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros, on peut faire la fine bouche, embaucher une agence de communication, qui va vous placer sur les plateaux de télévision, pondre des tribunes, etc. Quand on démarre à 0 €, comment fait-on ?

C’est très facile de faire la morale et des leçons quand on a les moyens techniques et financiers d’être totalement indépendant et quand son travail ou outil de travail ne dépend aucunement de la visibilité que l’on peut avoir.

En conclusion, merci de nous lâcher la grappe.



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