Alors que le Mobile World Congress (MWC), la grand-messe du mobile, ouvre ses portes aujourd’hui à Barcelone, IBM propose aux opérateurs télécoms de changer d’état d’esprit, dans une vaste étude réalisée en collaboration avec GSMA Intelligence.
Les auteurs ont interrogé 750 dirigeants d’opérateurs comme Deutsche Telekom, Verizon et Vodafone, dont 37 en France. Sur la base de leurs déclarations, ils estiment que l’industrie des télécommunications se trouve à un carrefour décisif sous le fait conjugué de la cloudification des infrastructures et des apports de l’intelligence artificielle, le tout sous fond de cybermenaces croissantes. Ce double effet « Kiss kool » redéfinit les architectures réseaux, les process opérationnels et mêmes les modèles économiques des opérateurs.
Les bénéfices du recours au cloud sont désormais bien connus. En virtualisant leur cœur de réseau, les opérateurs optimisent leurs coûts d’exploitation et gagnent en agilité, en pouvant plus facilement faire évoluer leur réseau ou ajouter de nouveaux services générateurs de revenus, tout en diminuant leur empreinte carbone.
L’approche hybride est privilégiée. Selon l’enquête d’IBM, 27 % des fonctions réseau résident désormais dans des clouds publics, contre 61 % dans des environnements privés ou sur site. Au cours des trois prochaines années, les opérateurs prévoient d’augmenter leurs investissements dans la mise en œuvre du cloud de près de 20 % (19 % en France).
L’Open RAN pour réduire la dépendance aux fournisseurs
En ce qui concerne les freins avancés à l’adoption du cloud, les opérateurs citent, en priorité, le manque d’interopérabilité et de normalisation entre les fournisseurs de services cloud (63 % au niveau mondial, 69 % en France) et la crainte d’un verrouillage du marché par ces mêmes fournisseurs (58 % au niveau mondial, 57 % en France).
Portée par l’O-RAN Alliance, qui rassemble des acteurs des télécoms du monde entier, l’initiative Open RAN est, à cet égard, regardée avec intérêt. En faisant appel à des normes ouvertes, elle permet aux opérateurs de s’affranchir des contraintes matérielle et logicielle et de réduire leur dépendance à l’égard des équipementiers.
« Bien que des lacunes technologiques doivent être comblées, Open RAN est désormais prêt pour un déploiement à grande échelle », estime Francisco Martín Pignatelli, responsable Open RAN chez Vodafone. L’opérateur britannique prévoit son déploiement sur 2 600 sites au Royaume-Uni.
Les atouts de l’IA encore sous-exploités
Comme pour le cloud, les apports de l’IA sont bien identifiés qui s’agisse de configurer, dépanner ou superviser les réseaux. Pour autant, l’étude juge que les opérateurs tardent à exploiter toutes les promesses de l’IA.
Alors que 60 % utilisent l’IA « traditionnelle » pour surveiller les performances du réseau, les autres cas d’usage sont sous la barre des 50 % qu’il s’agisse de la maintenance prédictive des équipements réseau (46 %), l’automatisation des tickets de service (46 %) et la planification du réseau (43 %).
Le recours à l’IA générative est encore plus limité. Elle est avant tout utilisée pour la gestion des spams (33 %), la gestion de la fraude (31 %), la planification du réseau (30 %) et la prévision des problèmes de réseau (29 %).
Pourquoi cette hésitation ? 61 % des dirigeants citent des préoccupations liées à la sécurité et à la confidentialité des données comme principal obstacle à l’adoption de l’IA. Plus de la moitié d’entre eux avancent également le rythme des changements technologiques (53 %) et l’absence de stratégie d’IA pour le réseau (51 %).
Manque de compétences en IA Gen
Près le moitié des opérateurs (47 %) s’inquiètent, par ailleurs, du manque de compétences internes en IA. Ils indiquent que seulement 26 % de leurs équipes réseau possèdent des compétences en IA traditionnelle, les compétences en IA générative étant encore plus rares (13 %).
L’IA générative ouvre pourtant la voie à des cas d’usages originaux. Deutsche Telecom a développé un chatbot pour aider ses sous-traitants à effectuer les raccordements à la fibre optique. Celui-ci leur donne des conseils en temps réel sur les réglementations et les contraintes relatives aux travaux de terrassement en fonction de facteurs tels que la nature du terrain ou la météo.
55 % des opérateur victimes de cyberattaques
La préoccupation de l’enjeu de sécurité évoquée plus haut est loin d’être infondée. 55 % des opérateurs interrogés au niveau mondial (59 % en France) déclarent avoir subi une violation de la sécurité réseau au cours de l’année écoulée. Ces derniers, les opérateurs français SFR, Free et Orange ont été, coup sur coup, victimes de piratages.
Selon l’étude, le coût moyen d’une faille impliquant plus de 50 millions d’enregistrements s’élève à 375 millions de dollars. « En plus des pertes financières, ces failles érodent la confiance des clients et peuvent à terme limiter leur adoption de services tels que les réseaux privés 5G, l’IoT et les solutions basées sur l’IA. »
Alors que le recours au cloud augmente leur surface d’attaque, 42 % des dirigeants considèrent la sécurité des réseaux comme un enjeu majeur pour les trois prochaines années. Les auteurs de l’étude jugent toutefois la fréquence des audits de sécurité et des tests de pénétration déconcertante. Seulement 36 % d’entre eux les effectuent tous les trimestres et 21 %… tous les deux ans.