Vingt ans, dans la temporalité du jeu vidéo, c’est une éternité. A l’âge de 20 ans, un jeu vidéo est généralement considéré comme « rétro » : sa place est alors davantage dans un musée que sur un PC ou une console – à moins qu’il ne bénéficie d’un éventuel remake. World of Warcraft (WoW), sorti le 23 novembre 2004, est pourtant une exception : ce jeu de rôle massivement multijoueur dans lequel, pour faire simple, les Humains de l’Alliance et les Orcs de la Horde s’affrontent pour le contrôle du monde d’Azeroth, reste largement actif. Alors que les jeux du genre ne continuent généralement à attirer les joueurs qu’en adoptant un modèle gratuit, WoW compte toujours sur un abonnement payant et, tous les deux ans, ses extensions trouvent des millions d’acquéreurs.
Si le titre bénéficie toujours d’une vitalité remarquable et résiste à l’effritement de sa base de joueurs, c’est parce qu’il peut être davantage qu’un simple jeu : il est aussi un lieu de réconfort, de sociabilité et de chaleur humaine, pour toujours associé, chez les vétérans, au souvenir d’années plus insouciantes, souvent celles du lycée ou des études. Alors, si beaucoup ont fini par décrocher, comme la centaine de joueurs et joueuses qui ont répondu à l’appel à témoignages du Monde, c’est souvent à contrecœur.
Du travail, toujours du travail
Les raisons pour lesquelles la flamme peut vaciller sont nombreuses. La même revient pourtant souvent : le manque de temps. « J’ai beaucoup joué entre 2007 et 2012, se remémore Lucie, 40 ans, chargée de mission dans l’environnement à Brest. Cette sensation d’être totalement émancipée et indépendante, c’était hyperlibérateur. J’y ai passé énormément d’heures, des nuits surtout, dont un Nouvel An qui reste parmi mes meilleurs souvenirs. » Elle fait pourtant une pause au moment de rédiger son mémoire de master. Au moment de s’y remettre, peu convaincue par les nouveautés de la dernière extension (Mists of Pandaria, dans laquelle « ils ont ajouté des pandas »), elle raccroche.
Pour les collégiens et les lycéens, les effets du temps englouti dans WoW se mesurent de manière douloureusement objective. « J’avais une vie sociale complètement épanouie à la fois dans le jeu, mais aussi hors du jeu », raconte Sam. Cet informaticien de 33 ans installé aux Pays-Bas a pratiqué intensément WoW, de la classe de 4e à la 1re, au point de mettre en péril sa scolarité. « C’était absolument génial, mais mes notes en ont pris un sacré coup ! J’ai dû lever le pied afin d’avoir des résultats corrects pour mon dossier post-bac. J’ai un peu rejoué après, mais de manière très sporadique, avant d’arrêter complètement », ajoute-t-il.
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