Avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, c’est un véritable essaim de leaders de la tech qui s’activent en sous-main pour peser sur la réglementation de l’intelligence artificielle. C’est peu de dire que les vues sont contrastées. Alors que, aussi récemment qu’en avril 2023, Elon Musk alertait sur la potentielle destruction de la civilisation humaine par l’intelligence artificielle (IA), le futur vice-président, J. D. Vance, proche de la Silicon Valley et de son élite libertarienne la plus extrême, voit dans de telles mises en garde un stratagème des géants de la tech pour pousser une réglementation dure garantissant leur position dominante.
En filigrane se dessine une opposition dialectique fondamentale entre la menace existentielle que représenterait l’IA et la menace concurrentielle bien réelle incarnée par la Chine. Au milieu de cette confusion, il y a les chercheurs, ceux-là mêmes que le comité Nobel a récompensé en octobre, en attribuant son prestigieux prix de physique à deux pionniers de l’IA.
Le choix de Geoffrey Hinton, professeur à l’université de Toronto, connu pour avoir alerté publiquement sur les menaces de l’IA, n’a pourtant pas suscité un enthousiasme à la hauteur de l’événement. Par exemple, la MIT Technology Review a publié un article dont le ton peu laudateur surprend. Tout en lui reconnaissant un rôle de pionnier, Geoffrey Hinton y est présenté comme la tête de pont du catastrophisme, cette théorie qui voit dans l’IA un risque existentiel pour l’humanité. L’article regrette que le prix décerné puisse contribuer à mettre en lumière de telles « opinions volontairement alarmistes ».
Selon l’auteur de l’article, à l’opposé d’un catastrophisme « considéré comme dingue » se trouvent les positions d’un autre chercheur, le Français Yann LeCun, corécipiendaire du prix Turing avec Geoffrey Hinton, en 2019 : « En dépit du buzz, poursuit l’article, beaucoup considèrent les vues de Hinton comme fantaisistes. Yann LeCun, scientifique en chef IA de Meta, a qualifié le catastrophisme de ridiculement absurde. » Au passage, le journaliste omet de rappeler que les positions de Geoffrey Hinton sont loin d’être isolées parmi l’élite scientifique. En 2014 déjà, le célèbre physicien britannique Stephen Hawking (1941-2018) avait exprimé ses craintes quant à la fin de l’humanité orchestrée par une IA superintelligente.
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