C’est désormais officiel. Ce lundi 16 décembre, la Commission européenne a signé un contrat de concession avec le consortium SpaceRISE pour le lancement d‘une constellation multi-orbitale de 290 satellites. Avec ce programme, dénommé Iris² pour Infrastructure de résilience, d’interconnectivité et de sécurité par satellite, l’Union européenne entend recouvrir sa souveraineté dans le domaine tant convoité de la connectivité depuis l’espace.
Pour l’heure, Starlink, propriété du multimilliardaire Elon Musk, domine les débats. Avec sa constellation de plus de 6 000 satellites en orbite basse, à 500 km d’attitude, la filiale de SpaceX exerce un monopole de fait sur l’internet satellitaire depuis son lancement en 2018. Avec son Projet Kuiper, un autre géant américain de la tech, Amazon, est sur la rampe de lancement.
Le Vieux Continent se devait de réagir. Il n’était que temps. Alors que le projet Iris², promu par l’ancien commissaire européen Thierry Breton, était validé dès fin 2022, il ne sera pleinement opérationnel que d’ici 2030. Après le système de géolocalisation Galileo, concurrent du GPS américain, et de la plateforme d’observation de la Terre Copernicus, l’UE disposera de ses propres satellites de télécommunications.
Une bouffée d’oxygène pour la filière européenne
Chargé de la mise en œuvre de ce programme, le consortium SpaceRISE comprend trois opérateurs européens de réseaux satellitaires — le luxembourgeois SES, le français Eutelsat et l’espagnol Hispasat, soutenus par une myriade de sous-traitants.
Parmi les principaux partenaires français, on trouve les fabricants de satellites Thales Alenia Space et Airbus Defence and Space, l’opérateur télécom Orange et le spécialiste des communications sécurisées Thales SIX.
Des centres de contrôles seront installés dans trois pays au Luxembourg, en France (Toulouse) et en Italie (Fucino). Autre enjeu de souveraineté, Iris² pourra compter sur le nouveau lanceur européen Ariane 6, pour envoyer ses futurs satellites dans le firmament.
LEO et MEO
Deux orbites ont été retenus. Le projet combinera les avantages offerts par l’orbite terrestre basse (LEO) et l’orbite terrestre moyenne (MEO). Retenu par Starlink et Kuiper, le LEO offre un débit élevé et un temps latence réduit, en diminuant la distance des allers-retours entre les satellites et la Terre.
A mi-chemin entre l’orbite géostationnaire (36 000 km d’attitude) et le LEO, le MEO propose un savant équilibre entre la couverture et la puissance du signal.
Par ailleurs, il nécessite moins de satellites pour assurer une couverture mondiale par rapport à l’orbite basse.
Cas d’usage militaires et civils
Iris² n’a pas été seulement conçu pour concurrencer Starlink et Kuiper. Le projet doit pallier les problèmes de connectivité sur le Vieux Continent mais aussi proposer un système de communications ultra-sécurisées pour les Etats-membres.
A vocation duale, il répondra à la fois aux besoins des gouvernements – surveillance des frontières, gestion de crise humanitaire … que des entreprises privés.
Agriculture de précision, télémédecine, collecte des données des réseaux d’énergie, suivi en temps réel des flottes de camions ou de navires… Les cas d’usage nécessitant une connectivité résiliente et sécurisée ne manquent pas. Les citoyens européens situés en zones blanches profiteront également de cet internet tombé du ciel.
Un projet à 7 milliards d’euros
Selon Le Monde, la Commission s’est engagée à investir 2,5 milliards d’euros jusqu’en 2027 et l’Agence spatiale européenne (ESA), 550 millions d’euros.
Reste encore quelque 4 milliards d’euros à budgéter d’ici la fin du programme. Ce projet est une bouffée d’oxygène pour Airbus ou Thales qui pâtissent de l’emprise de Starlink sur le marché du « new space ».
Leurs filiales dédiées ont supprimé quelque 4 000 postes note le quotidien.