Anissa est là pour un seul tweet. A la fin de l’année scolaire dernière, alors qu’elle galère dans les transports, cette étudiante de 19 ans s’énerve sur le réseau social X : « J’aurai ta peau Valérie Pécresse », écrit-elle. Le message peu amène, adressé à la présidente d’Ile-de-France Mobilités, est accompagné de la capture d’écran du paiement de 84 euros de son passe Navigo mensuel.
Plusieurs mois plus tard, ce tweet l’a conduite tout droit à un stage de citoyenneté consacré à la lutte contre la haine en ligne et le cyberharcèlement. Ce lundi 5 février, ils sont six à être présents, pour deux jours, dans cette salle de la mairie du 20e arrondissement de Paris. Au programme : le rappel du cadre légal, la gestion des émotions ou encore l’impact sur les victimes. L’objectif : susciter de l’empathie, une prise de conscience, et donner des clés pour utiliser les réseaux sociaux sans s’emporter.
Animé par ABC Insertion, cet atelier unique en France a été mis en place au printemps 2022 pour apporter une réponse pédagogique plutôt qu’une sanction. « Ce stage doit leur faire comprendre que les propos tenus n’étaient pas dicibles », résume le parquet. Utilisé comme une alternative aux poursuites ou comme peine complémentaire, il est proposé aux auteurs d’infraction les moins problématiques, des personnes jamais mises en cause aux messages isolés.
« C’est la seule fois où j’ai écrit des gros mots »
« Ça n’a pas assez rafalé à Charlie », avait ainsi écrit en substance Bilal, sur X. Ce message, qui se voulait être une manière satirique de répondre à un utilisateur se revendiquant « Charlie » alors qu’il tweetait des messages islamophobes, le jeune homme le traîne désormais comme une casserole : d’après lui, cela l’aurait empêché d’obtenir un poste chez l’industriel de l’armement Dassault, faute d’habilitation.
C’est d’ailleurs bien souvent sur X, réseau social aux messages courts et réactifs, terreau fertile pour les messages haineux, qu’ont été postés les messages valant aujourd’hui à toutes ces personnes d’être convoquées. Shauwen, par exemple, a interpellé violemment une association. « Sale FDP [fils de pute], on va vous retrouver », les a-t-il invectivés. « C’est la seule fois où j’ai écrit des gros mots », minimise le jeune homme de 25 ans.
Quant à Mohand (son prénom a été changé), juriste de 32 ans, il assure parler d’habitude plutôt football sur la plate-forme d’Elon Musk. Mais le 7 octobre 2023, lors de l’attaque sanglante du Hamas contre Israël, le fil des recommandations l’amène sur des messages de personnalités d’extrême droite, auxquels il ne peut s’empêcher de réagir. « Je fais un tweet au cinquième degré et j’ai eu une mauvaise surprise en retour », résume-t-il.
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