C’est le débat qui peine à être tranché parmi les spécialistes de la voiture électrique, qu’ils soient constructeurs ou conducteurs. Vaut-il mieux opter pour une grosse batterie ou pour une forte capacité de recharge lorsqu’on doit avaler les kilomètres ? À cette question, certains très rares et exclusifs constructeurs ont décidé de ne pas répondre en choisissant d’opter pour les deux options. À la fois une batterie de grande capacité, mais aussi une grande vitesse de recharge en courant continu (DC). Ces modèles se comptent sur les doigts d’une main et dépassent la centaine de milliers d’euros. Sans surprise, on retrouve dans cette liste raccourcie des constructeurs premium tels que BMW (avec l’i7) et Mercedes (avec l’EQS). C’est justement avec le modèle le plus haut de gamme du premier que nous avons décidé de vérifier la double promesse d’une grande autonomie et d’une recharge express.
Direction le sud de la France, non pas pour un traditionnel Paris-Marseille mais pour son quasi équivalent puisque notre route nous a menée du nord de la capitale jusqu’à Toulon. C’est d’ailleurs ce même trajet que nous avions réalisé il y a quelques mois au volant d’une Hyundai Ioniq 6 qui s’était révélée particulièrement surprenante en termes de consommation. À bord de notre i7 d’exception, nous avons voulu reproduire l’expérience et vérifier les qualités de routière de la plus chère des BMW électrique. Au total, nous avons parcouru plus de 2 000 km avec l’i7, essentiellement sur autoroute.
Deux arrêts, emballé c’est pesé
Notre itinéraire de test nous mène du nord de la région parisienne aux environs de Toulon au cours d’un périple long de 868 km, dont la grande majorité s’effectuera sur les autoroutes A6 et A7. Sur le papier, ou si on se contente de regarder l’homologation WLTP de la limousine allemande, celle-ci forte de sa batterie de 101,7 kWh serait capable de réaliser notre parcours avec un seul arrêt uniquement. Pour y parvenir, l’i7 serait contrainte de consommer moins de 20 kWh au 100 km, ce qui sur autoroute est absolument illusoire compte tenu de son gabarit.
De fait, la réalité du terrain est différente. Sur ce trajet aller, nous avons été contraints de nous arrêter à deux reprises. La première fois, dans la station de Superchargeurs Tesla de Chalon-sur-Saône après 369 km parcourus. Deux précisions s’imposent : nous étions partis quelques heures plus tôt avec la batterie pleine à 98% et celle-ci affichait 8% au moment de notre halte. En d’autres termes, ces 10% inexploités nous auraient sans doute permis de dépasser les 400 km d’autonomie avec une charge. Autre précision utile, nous roulions de nuit, par temps clément (environ 8°C) mais avec une voiture relativement chargée. Notre méthode de test ne change pas de nos précédents essais d’autonomie, c’est à dire à 130 km/h au régulateur sans se priver d’aucun confort à l’intérieur de l’habitacle.
Voilà donc la première occasion de mettre à l’épreuve les capacités de recharge de notre électrique de luxe. En théorie, l’i7 peut encaisser jusqu’à 195 kW en courant continu ce qui lui permet de remplir son énorme batterie très rapidement. Ce premier arrêt nous permet de constater que BMW tient ses promesses. Et même si le 193 kW n’est maintenu que quelques minutes, notre jauge se remplit jusqu’à 90% en trente minutes environ. À noter qu’une fois le seuil des 60% atteint, la courbe se contracte fortement. Le remplissage de 60 à 90% se fera à un débit compris entre 80 kW et 60 kW.
Cela nous laisse suffisamment d’autonomie pour rallier le Superchargeur Tesla du Pontet, situé 347 km plus loin. À notre arrivée, l’i7 affiche encore 13% de batterie restante. Une pause légèrement plus longue nous permet de recharger notre accumulateur à 99% (parfois prendre un sandwich dans une zone commerciale peut avoir des conséquences heureuses sur l’autonomie).
Il ne nous reste que 157 km à parcourir pour boucler ce trajet aller. Ils seront avalés comme les précédents à une moyenne légèrement inférieure à 25 kWh/100 km. C’est relativement conséquent, et supérieur aux 19,6 kWh du cycle WLTP, mais sur autoroute pour un bolide de 2,7 tonnes, c’est presque surprenant d’efficience. Au final, nous parvenons à destination avec plus de 350 km restants en autonomie, ce qui est un luxe lorsqu’on voyage en électrique. Certes, il nous a fallu nous arrêter deux fois, mais les capacités de recharge de notre i7 ont rendu ces arrêts assez courts et l’énorme batterie du véhicule nous a permis d’avoir un matelas d’autonomie conséquent à l’arrivée.
Pas de suspense inutile sur le trajet retour. Il avait pour but de vérifier les constats réalisés à l’aller et sur ce point il s’est avéré être un quasi copier/coller de notre premier parcours. Deux arrêts, des vitesses de charge identiques et une consommation similaire, notre i7 de test a fait dans la constance que ce soit en termes de consommation ou de vitesse de recharge. Sur chacune de nos quatre recharges rapides, nous avons dépassé les 190 kW de puissance en pic, au moins pendant quelques minutes. Notons également qu’il n’y a pas eu de différence flagrante d’une recharge à une autre.
Coût du trajet et enseignements
Plusieurs commentaires lors de nos précédents tests longue autonomie s’étonnaient de ne pas voire indiqué le coût des recharges lors de nos différents trajets. Et pour cause, celui-ci peut changer d’un utilisateur à un autre et surtout d’une voiture électrique à une autre. En effet, plusieurs constructeurs bénéficient de tarifs négociés auprès de certains réseaux ce qui rend la comparaison délicate. De fait, le prix du kWh peut varier du simple au double selon la formule d’abonnement choisie sur un réseau aussi répandu que Ionity. Afin tout de même d’avoir un aperçu du trajet, nous avons opté pour un fournisseur unique, celui qui proposait selon nous le tarif le plus proche de la moyenne… Tesla. Aussi farfelu que cela puisse paraître, nous avons donc choisi d’effectuer l’ensemble de nos recharges sur des Superchargeurs Tesla afin d’avoir une unité de prix prix et de service sur l’intégralité du trajet. Cette partie du test est évidemment empirique et pourrait donner lieu à des résultats différents chez d’autres opérateurs. Elle nous a tout de même permis d’observer la recharge de notre i7 à travers une même grille d’analyse.
Concrètement, sur ces deux trajets (et quatre recharges), le tarif du kWh a oscillé entre 0,38 et 0,43 euros. Dans les faits, chaque recharge nous a coûté entre 28,12 euros et 39,96 euros. Si l’on cumule les recharges aller et retour. Notre premier parcours Nord-Sud nous a coûté 79,52 euros (tout en sachant qu’il nous restait 350 km d’autonomie à l’arrivée). Quant au coût du trajet retour, il s’élève à 58,93 euros.
Le retour du « tapis volant »
Bien qu’il ne s’agisse pas du propos principal de notre article, il nous semble essentiel de rappeler à ceux, par exemple, qui n’auraient pas lu notre essai de la BMW i7, à quel point son comportement sur la route est bluffant. Certes, on en attendrait pas moins d’un véhicule aussi exclusif et pourtant, parvenir à maîtriser autant de puissance et de masse tout en maintenant un confort sans égal est une prouesse technique rare. La qualité des suspensions pilotées ainsi que les quatre roues directrices de la bête ne sont sans doute pas étrangères à ces performances, il n’en demeure pas moins que l’i7 est un véritable tapis volant électrique.
En conséquence, même un trajet aussi long que cet équivalent Paris-Marseille, s’est révélé plutôt agréable et ce alors même que nous n’avons pas eu l’occasion de déployer l’énorme écran de 31 pouces prévu pour les passagers à l’arrière.
Verdict de l’essai :
La fiche technique et la réputation de l’i7 laissaient assez peu de place au doute, mais la réalité s’est révélée particulièrement conforme à nos attentes. La berline premium de la marque munichoise est non seulement une routière électrique, c’est sans doute l’une des meilleures disponibles aujourd’hui. Certes son tarif la mettra hors de portée de la plupart des budgets, mais il n’en demeure pas moins qu’elle remplit sa mission sans ciller et que là où la plupart des véhicules électriques peinent à dépasser les 300 km sur autoroute avec une charge, elle en rajoute 100 de plus. Quant à la partie recharge, seuls quelques modèles tels que ceux de Hyundai en Kia en 800V affichent de meilleures performances sur les bornes rapides.
Bien entendu, cet essai quelque peu particulier ne parviendra pas à trancher le débat entre l’intérêt de miser sur une grosse batterie ou celui d’optimiser la vitesse de recharge, tout simplement parce que l’i7 du haut de ses 150 000 euros, au minimum, possède les deux ingrédients essentiels aux routières électriques. Néanmoins ce tarif exclusif dit à quel point cette combinaison est rare. En attendant de meilleures efficiences ou des courbes de recharges optimisées, le commun des mortels, lui, est condamné à faire un choix.