Mon espace santé, mis en place par la loi du 24 juillet 2019 et lancé en 2022, permet à chacun de gérer un compte personnel en ligne rassemblant ses données médicales dans un dossier médical partagé (DMP). Il sera en outre en mesure d’accéder à divers services référencés sur une plate-forme unique, notamment une messagerie pour échanger avec des soignants ou un calendrier pour gérer ses rendez-vous médicaux.
Ce service, ouvert automatiquement par l’Assurance-maladie à chaque citoyen sauf opposition, permet aujourd’hui à 90 % des assurés d’avoir un profil. Toutefois, selon la délégation ministérielle du numérique en santé, seulement 8,6 millions de personnes sur 65,7 millions (12,4 %) ont activé leur dossier médical partagé un an après son lancement.
Ce taux d’adoption encore faible n’est pas surprenant. Les professionnels de santé n’ont pas été suffisamment sensibilisés à cet outil, qui demeure également largement méconnu du grand public. De plus, compte tenu des scandales récurrents liés à la protection des données et de la défiance croissante envers les institutions de santé, la confiance des usagers en la capacité de la plate-forme de protéger leurs données médicales d’un mauvais usage ne va pas de soi.
Si le virage vers le tout-numérique est inévitable, il doit donc, quand il touche à la santé, être assorti de garanties fortes pour gagner la confiance. Les données de santé étant des informations très personnelles, probablement les plus sensibles qui soient, elles nécessitent une protection rigoureuse pour préserver la relation de confiance et de consentement entre soignants et patients. Et cette relation de confiance doit constituer une priorité pour les autorités, tant la confiance est essentielle à la légitimité et à l’acceptation des actions publiques.
Même après la mort
En ce sens, Mon espace santé donne aux citoyens un accès réel à leurs données de santé, ce qui constitue une avancée majeure. Il permet en effet d’accéder aux comptes rendus de consultations, aux hospitalisations mais aussi à l’imagerie, aux prescriptions, aux bilans et à tout document concernant l’accès aux soins mais aussi à des informations médico-sociales.
En revanche, dans la version actuelle, les usagers n’ont pas la maîtrise de leurs données et, pour la plupart d’entre eux, ne le savent pas. Un patient peut certes masquer l’accès à ses données à tout soignant, mais pas à son médecin traitant ; et il ne peut supprimer ou archiver des informations autres que celles qu’il aurait lui-même mises, ni s’opposer aux versements de données dans son DMP sans motif légitime. Aucune historisation ou archivage n’est prévu, ni aucune possibilité de suppression, sauf par son émetteur lui-même lorsqu’il s’agit du patient. Toute information placée dans ce dossier y restera ainsi, même après la mort de son utilisateur ; et l’accès à ces données sera sans limite dans le temps.
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