Depuis plusieurs mois, les opérateurs télécoms historiques demandent activement la mise en place d’un « péage numérique » européen. Ils veulent pouvoir taxer les grands fournisseurs de contenus pour la transmission de leurs données sur les réseaux de télécommunication.
Ils sont notamment soutenus par le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, qui a proposé une nouvelle législation visant à faire payer les industries de contenus pour le financement des infrastructures de réseaux, en les contraignant à passer des accords financiers avec les opérateurs de réseau.
L’Association des opérateurs télécoms alternatifs (AOTA) dénonce cette volonté de mettre des barrières pour accéder au réseau. C’est un coup porté à la libre concurrence, car les nouveaux entrants seront freinés, voire bloqués, alors que, dans le numérique, c’est de là que viennent l’innovation et l’animation concurrentielle du marché.
Ce sujet va bien au-delà d’une négociation financière entre de gros acteurs du numérique. Si cette législation était mise en place, elle provoquerait un Internet à plusieurs vitesses, mettant à mal la neutralité du Net, et donc potentiellement les libertés publiques, et déstabiliserait l’ensemble des équilibres économiques du secteur. L’AOTA est très attachée au maintien des principes de non-discrimination dans l’accès au réseau et l’acheminement des données. Il ne peut pas y avoir un Internet fonctionnel pour ceux qui paient et un Internet de seconde zone, qui fonctionne comme il peut, pour les autres.
La mise en place du péage numérique serait une mesure délétère pour la survie des petites et moyennes entreprises du numérique, qui n’ont pas les moyens, humains et financiers, de traiter ces nouvelles obligations. Ce nouveau système demanderait une régulation publique, donc un coût administratif et bureaucratique, et pourrait nécessiter des changements techniques, là encore coûteux et sans utilité directe pour les internautes. Les opérateurs alternatifs auraient les inconvénients du dispositif sans les avantages, car ils ne sont pas en capacité de négocier l’accès à leurs réseaux, et se verraient imposer une quasi-gratuité.
Un marché verrouillé
Il n’est pas du tout certain que les sommes récupérées par les opérateurs historiques sur les fournisseurs de contenus aillent effectivement à l’investissement dans les réseaux. La mise en place de rentes de situation n’a jamais fait progresser l’innovation, bien au contraire !
Nous ne sommes pas les seuls à douter de l’intérêt de cette proposition. Le groupement européen des régulateurs des télécoms [Body of European Regulators for Electronic Communications, Berec] a récemment publié une évaluation préliminaire de la proposition prenant en compte l’évolution du marché au cours des dernières années et les investissements réalisés par les différentes parties prenantes.
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