Emmanuel Macron a vertement répliqué mardi 12 juillet aux critiques sur ses échanges privilégiés dans le passé avec la multinationale Uber, révélés par The Guardian, et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation, l’ICIJ, et à quarante-deux médias partenaires, dont Le Monde.
« Moi je suis extrêmement fier (…), il est très difficile de créer des emplois sans entreprises ni entrepreneurs », a assumé le chef de l’Etat. « Je le referais demain et après-demain », a-t-il insisté après une visite du site de l’entreprise STMicroelectronics, près de Grenoble.
Dans le cadre des « Uber Files », une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber, Le Monde a conclu à l’existence d’un « deal » secret entre Uber et Emmanuel Macron quand il était à Bercy, entre 2014 et 2016.
Les oppositions ont continué mardi d’accuser le chef de l’Etat d’avoir défendu les intérêts d’Uber à l’époque où l’entreprise développait son implantation en France, alors que lui-même était ministre de l’économie de François Hollande.
Les formations constituant l’alliance de gauche Nupes vont demander une commission d’enquête parlementaire, a ainsi confirmé le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure.
« Voilà un ministre qui (…) a en douce, en cachette, bâti un deal avec l’entreprise dont tout le monde sait qu’elle a été celle du moins-disant social, qui a été le cheval de Troie de la destruction d’une partie de notre code du travail », a-t-il critiqué sur LCI.
« Je l’assume à fond, en vous regardant ! »
Le Rassemblement national (RN) veut, lui, lancer une mission d’information, a annoncé son président, Jordan Bardella, selon qui M. Macron a été à Bercy « le point d’entrée d’intérêts privés en France ».
« On introduit une espèce d’ambiance qui consisterait à dire que voir des chefs d’entreprise, en particulier étrangers, ce serait mal. Mais je l’assume à fond, et en vous regardant ! », a riposté M. Macron. « J’ai vu des chefs d’entreprise, l’horreur ! Je les ai vus, ça a toujours été officiel, avec des collaborateurs. J’en suis fier ! S’ils ont créé des emplois en France, je suis hyperfier de cela. »
« Comme le dirait un de mes prédécesseurs, cela m’en touche une sans faire bouger l’autre », a insisté le chef de l’Etat, en référence à une phrase attribuée à Jacques Chirac.
« J’ai fait venir des entreprises, j’ai aidé des entrepreneurs français, j’ai surtout aidé des jeunes, à qui on n’offrait pas d’emplois, qui venaient de quartiers difficiles, qui n’avaient pas d’opportunités de job, à en trouver pour la première fois de leur vie, et pour des milliers d’entre eux », a plaidé mardi le président Macron.
« Ensuite », a-t-il poursuivi devant quelques journalistes, « nous avons régulé ces emplois, en fermant, en verrouillant au niveau français et européen. (…) Quand je suis devenu président, on a régulé le secteur sans aucune complaisance. On est le premier pays qui a régulé les plates-formes et ensuite on l’a poussé au niveau européen ».
« N’est pas Chirac qui veut », ironise Boris Vallaud
Le système de VTC, qui a fait la fortune d’Uber et d’autres acteurs apparus dans les années 2010, avait suscité à l’époque la fronde des taxis. « On a aidé les taxis comme pas possible pendant la crise », a assuré mardi M. Macron. « J’ai toujours respecté ce métier-là, mais on avait un système qui était fermé administrativement. On ne donnait pas assez de licences. »
« “Hyperfier” de piétiner le droit du travail, d’encourager la dérégulation et de soutenir une firme championne de l’évasion fiscale : le président persiste et signe », a tweeté le communiste Fabien Roussel après les propos présidentiels.
« N’est pas Chirac qui veut… les bons mots ne suffisent pas toujours à cacher les mauvaises manières », a réagi Boris Vallaud, chef de file des députés PS.
« Uber Files », une enquête internationale
« Uber Files » est une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian, et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et à 42 médias partenaires, dont Le Monde.
Courriels, présentations, comptes rendus de réunion… Ces 124 000 documents, datés de 2013 à 2017, offrent une plongée rare dans les arcanes d’une start-up qui cherchait alors à s’implanter dans les métropoles du monde entier malgré un contexte réglementaire défavorable. Ils détaillent la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire évoluer la loi à son avantage.
Les « Uber Files » révèlent aussi comment le groupe californien, déterminé à s’imposer par le fait accompli et, au besoin, en opérant dans l’illégalité, a mis en œuvre des pratiques jouant volontairement avec les limites de la loi, ou pouvant s’apparenter à de l’obstruction judiciaire face aux enquêtes dont il faisait l’objet.