L’État et les collectivités sont-ils des acheteurs exemplaires en matière de souveraineté sur le cloud ? C’est notamment à cette question que cherche à répondre une commission d’enquête du Sénat sur la commande publique.
Les discours politiques des derniers mois appellent à favoriser l’écosystème européen. Ces appels se traduisent-ils dans les faits ?
Edward Jossa, président de la première centrale d’achat public en France, l’UGAP, apporte quelques éléments de réponse.
33% pour le cloud SecNumCloud
L’UGAP gère notamment depuis plusieurs années un marché cloud (à différencier du marché Logiciels). En 2024, comme l’indique son dirigeant en audition, ce marché représentait 44 millions d’euros. Précisions que ce contrat est conclu avec un distributeur (Crayon).
Les commandes, selon des critères de sélection, sont ensuite dirigées vers un portefeuille de fournisseurs. L’année dernière, OVH apparaît ainsi comme le clouder ayant le plus bénéficié de ce marché avec 19,5 millions d’euros de commandes.
Arrive en seconde position Microsoft à 8,1 millions d’euros. Viennent ensuite Outscale (3,7 M€), Scaleway (3,6 M€) et AWS (2,2 M€). “Cela montre que les solutions françaises sont assez significatives”, commente Edward Jossa.
La central d’achat ne fait pas la loi
“Il faut quand même constater que ces montants sont incroyablement faibles”, réplique sur LinkedIn, Alain Issarni, ex-PDG de NumSpot. L’ancien DSI du secteur public plaide pour des efforts supplémentaires de la part de l’État.
Certes 72% des ventes ont été dirigées vers des acteurs français et 33% au profit du SecNumCloud. 44 millions, ce n’est cependant pas l’intégralité de la commande publique française sur le cloud. D’ailleurs, Edward Jossa rappelle en préambule de son audition que l’achat public en France est très fragmenté.
En outre, précise-t-il, les centrales d’achats comme l’UGAP ne sont pas décisionnaires des commandes. Cette responsabilité revient au client final, qui peut ainsi choisir de ne pas tenir compte du risque d’extraterritorialité européenne.
132 millions d’euros pour le cloud du public
De plus amples données sur la dépense cloud du secteur public étaient fournies quelques mois auparavant lors de la conférence “l’État dans le nuage” de la Dinum. Nina Landes, cheffe de projet interministériel cloud, communiquait un autre chiffre.
Depuis l’application de la doctrine cloud, l’État a dépensé (en cumulé) 132 millions d’euros. Et cette dépense augmente rapidement, de l’ordre de 50% entre 2023 et 2025 – et au rythme “d’un nouveau projet dans le cloud par jour.”
“Contrairement à une idée reçue, l’essentiel de cette commande publique va vers des acteurs européens [75% en 2024] », assurait la cheffe de projet interministériel. Sur le total, environ un tiers est consacré à du SecNumCloud, était-il précisé – chiffre donc confirmé par l’UGAP.
Mais Nina Landes le concédait : ces chiffres ne reflètent pas exactement l’usage de toute la commande publique. D’autres véhicules d’achat que celui examiné existent, dont des marchés individuels. Une vue consolidée de la commande publique et de ses bénéficiaires s’impose.