la discrète communauté qui expérimente un numérique sobre et décroissant

la discrète communauté qui expérimente un numérique sobre et décroissant


C’est un local discret situé dans une rue proche du port de Rotterdam. Chaque semaine à Varia, des chercheurs, chercheuses et activistes issus du monde de l’art, du design et du développement de jeu vidéo se retrouvent pour expérimenter autour d’outils numériques libres, sobres et décroissants.

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Ici, on démonte des imprimantes et des consoles de jeu pour en extraire les composants usagés. On crée des jeux vidéo pouvant tourner sur des consoles hors d’âge. On apprend à fabriquer des serveurs auto-hébergés fonctionnant à l’énergie solaire. Soit autant de pratiques à la frontière entre la culture hackeur, le design et l’écologie politique.

La communauté qui se réunit à Varia défend les principes du permacomputing (ou permacomputation). Concrètement, il s’agit d’appliquer aux outils et infrastructures numériques les principes de la permaculture en misant sur la réparation, le réusage, la sobriété et l’accessibilité.

Créer à partir de contraintes

« Le permacomputing célèbre la possibilité d’être créatif avec des ressources informatiques limitées, défend ainsi Marloes de Valk, artiste et chercheuse à l’université London Southbank. Nous mettons en œuvre des principes de conception qui considèrent les contraintes comme des éléments positifs de la culture informatique. » C’est elle qui a contribué à populariser le terme, notamment avec son projet Damaged Earth Catalog dans lequel elle répertorie les initiatives qui essaiment autour de ce concept – le nom du projet fait référence au Whole Earth Catalog de Stewart Brand, la bible de la contre-culture cybernétique des années 1960.

En 2019, l’universitaire a coconçu, en partenariat avec le studio Iodine Dynamics, le jeu vidéo What Remains, une fiction interactive en 8-bits pensée pour se déployer sur des machines Nintendo des années 1980. Une façon de créer du divertissement « sans importer de micropuces ou de cartouches neuves depuis la Chine, ni générer d’e-déchets qui seront par la suite délocalisés en Afrique », revendique la chercheuse.

Les pratiques de permacomputing entendent en effet réinscrire le secteur du numérique dans un paradigme de la limite, voire de la décroissance. « Nous offrons une contre-voix à ceux qui promeuvent la maximisation, l’hyperconsommation et le gaspillage », complète Aymeric Mansour, chercheur à la Willem de Kooning Academy de Rotterdam et membre actif de la liste de diffusion dévolue au permacomputing.

« Je voyais autour de moi des concepteurs qui parlaient de la forêt qui brûle tout en faisant eux-mêmes brûler la forêt, car la plupart des jeux vidéo actuels consomment une énergie démente et sollicitent de multiples serveurs », constate Vincent Moulinet, designer et consultant en jeux vidéo. C’est ce paradoxe, cet écueil même, qui l’a conduit à s’intéresser à cette démarche. « J’ai rencontré dans cette communauté des personnes qui inventent des pratiques heureuses de la limite », se réjouit-il. Tout en regrettant que, « dans le Nord global, nous envisageons le numérique comme une corne d’abondance virtuelle en matière d’infrastructure ou de consommation de données ».

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