Une collection de pagers. Crédit photo Hades2k.
Après les pagers, les talkies-walkies. Mardi et mercredi, deux spectaculaires vagues d’explosions ont décimé au Liban les rangs du Hezbollah, une organisation islamiste dont l’aile militaire est considérée comme terroriste par l’Union européenne. Selon le gouvernement libanais, le bilan de ces explosions s’élèverait à 37 morts et près de 3 000 blessés.
Si cette opération n’a pas été revendiquée – la France a condamné ces attentats, selon l’agence nationale de l’information libanaise – , il semble extrêmement probable qu’elle ait été organisée par Tel-Aviv.
La situation est très tendue à la frontière entre Israël et le Liban, avec de nombreux échanges de tirs depuis l’attaque du 7 octobre menée par le Hamas.
Piratage seul peu probable
La façon dont ces terminaux ont pu exploser est elle plus incertaine. Pour Olivier Mas, un ancien officier de la DGSE, le service de renseignement extérieur français, “il est inconcevable” que les pagers aient pu, seuls, engendrer la chaleur nécessaire à une explosion. Autrement dit, il est improbable qu’un seul piratage informatique visant à détraquer la batterie soit à l’origine de la vague meurtrière.
La piste du piégeage des appareils s’est d’ailleurs rapidement imposée. Ainsi, dès mercredi, les autorités libanaises mentionnaient la présence de matériaux explosifs situés à proximité des batteries. Israël a probablement pu manipuler à un moment ou un autre la cargaison de pagers, des AR-924 de la marque tawaïnaise Gold Apollo.
Et ainsi y introduire, souligne l’historien militaire Michel Goya, “un petit patch d’explosif stable”. Selon une source libanaise, citée par Reuters, les 3 000 pagers concernés auraient été plus précisément piégés avec un composant contenant directement l’explosif.
Un mode opératoire déjà pratiqué par le renseignement israélien. Un haut gradé de l’aile militaire du Hamas avait ainsi été assassiné à Gaza en 1996 par l’explosion de son téléphone, piégé, rappelle ainsi Le Point.
La piste d’une société écran
Ce type d’opération n’est pas en soi “très compliqué”, et il y a déjà de nombreux exemples de téléphones piégés de la sorte, mais pas à l’échelle de plusieurs milliers d’objets”, remarque Michel Goya. Comme le souligne le New-York Times, le Hezbollah se méfiait des réseaux de téléphonie mobile. Le mouvement islamiste avait alors décidé d’utiliser des pagers. Des appareils plus rudimentaires, populaires il y a 30 ans.
Certes, ils ne peuvent qu’envoyer que des messages, mais ils paraissaient moins susceptibles de livrer des informations sur ses utilisateurs. Informé de ce choix stratégique, Israël aurait alors monté une audacieuse opération pour devenir le fournisseur de pagers du Hezbollah via une société écran en Hongrie. Au vu de son ancienneté, synonyme de failles potentielles, la modification du logiciel à des fins de déclenchement de la mise à feu apparaît relativement simple, remarque à ZDNET.FR Fred Raynal, le patron de Quarkslab, une société spécialisée dans la recherche de vulnérabilités.
Selon le quotidien New-Yorkais, les pagers, en réalité produits par le renseignement israélien, ont ainsi été expédiés au Liban à partir de l’été 2022. On a pour le moment moins d’informations sur le circuit logistique des talkies-walkies. Leur fabricant japonais a simplement indiqué avoir arrêté de les produire il y a une dizaine d’années.