« La polarisation à l’américaine nous envahit »

« La polarisation à l’américaine nous envahit »


Après la nomination d’un nouveau directeur de la rédaction au Journal du dimanche (JDD), j’ai banalement publié un tweet : « Le système Bolloré se met en place : c’est une méthode brutale pour asseoir l’emprise de l’actionnaire, un refus des règles élémentaires du journalisme et le mépris de l’histoire d’un journal. »

Je ne me suis pas exprimé contre la personne de Geoffroy Lejeune, sur lequel je n’ai ni légitimité ni compétence, j’ai simplement décrit un mécanisme de capture d’un média, en ayant un sentiment de déjà-vu avec la transformation de i-Télé en Fox News à la française.

Guerre idéologique

Les réactions sur le réseau social ? Presque toutes orientées politiquement. Un tout petit peu de gauche, sur le thème « Fallait pas vous en prendre à Mélenchon », ou d’un acabit plus large : « Et Bernard Arnault, ça ne vous fait rien ? » De droite surtout, sur le mode : « Du balai, la pensée unique de gauche ! », voire : « Vous n’aimez les journaux que quand ils sont d’accord avec vous. » Il se trouve aussi des commentateurs pour avancer : « C’est le fric de Bolloré, il fait ce qu’il veut. » Bref, des réactions biaisées par l’idéologie de leurs énonciateurs, et rarement inspirées par le bien commun démocratique.

La polarisation à l’américaine nous envahit. Ce qui prédomine, ce n’est pas les principes communs, sans lesquels une république, et plus largement une démocratie, ne tient pas, c’est la guerre idéologique camp contre camp. Les trumpistes contre les journaux de la Côte est, version gauloise.

Qu’un média fasse l’objet d’une capture, et du côté du manche on applaudit, sans voir plus loin que le bout de son nez. Là où chacun devrait chercher une cohérence pour l’indépendance et l’honnêteté de l’information partout, et la neutralité dans le service public, c’est la logique du rapport de force qui régit les réactions.

La défense de la liberté de la presse, la dénonciation du « système B », ce système oligarchique qui pousse à l’extrême des spécificités françaises de détention capitalistique, ne devraient pas vous ranger dans le camp des gauchistes. Comme la protestation contre la pratique des Sleeping Giants, des activistes anonymes qui font pression sur les annonceurs de manière discrétionnaire pour assécher le financement de journaux de droite (comme Causeur ou Valeurs actuelles) ne fait pas de vous un « droitier ». Une organisation comme Reporters sans frontières (RSF) s’astreint à cette cohérence.

Combat majeur

Disons-le, la polarisation est rarement d’un seul bord, comme l’histoire contemporaine des Etats-Unis nous l’apprend. Dans une logique symétrique, une partie de la gauche accusait hier les défenseurs de la liberté de la presse qui ne confondaient pas les journalistes et d’autres acteurs dans les manifestations d’être des sociaux traîtres. Malheureusement, la neutralité politique d’un combat est trop souvent considérée comme une trahison par tous ceux qui récusent ou ignorent toute transcendance démocratique.

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