Les agents de la police de l’immigration et des douanes utilisent, outre Atlantique, un nouvel outil permettant d’identifier une personne en photographiant simplement son visage avec un smartphone. La prise déclenche une comparaison quasi instantanée avec des bases de données gouvernementales.
Un policier qui pointe un smartphone sur vous pour scanner votre visage et vous identifier en temps réel : cette scène, jusqu’à peu fictive, se jouerait régulièrement aux États-Unis, rapporte 404 Media, le 26 juin dernier. Le média américain y détaille comment les membres du service de l’immigration et des douanes (ICE) américain utilisent une nouvelle application de reconnaissance faciale, appelée « Mobile Fortify ». Destinée aux agents de terrain, l’appli promet une vérification biométrique de l’identité en temps réel, par reconnaissance faciale ou par empreintes digitales (sans contact), simplement en pointant l’appareil photo d’un smartphone sur une personne.
À l’origine de ces révélations, 404 Media explique avoir pu consulter plusieurs courriels internes envoyés à l’ensemble du personnel d’une des sections de l’ICE, les « opérations d’exécution et d’éloignement (ERO) ». Dans ces messages, on peut lire que Mobile Fortify permettra aux agents d’identifier les personnes dont on ne connait pas l’identité.
Un système relié à plusieurs bases de données du gouvernement américain
Comment ce système fonctionne-t-il ? Une fois la personne photographiée, l’image est comparée à plusieurs bases de données. Mobile Fortify serait reliée à deux systèmes gouvernementaux : une première base qui répertorie les personnes qui entrent ou qui sortent des États-Unis, provenant du service de vérification des voyageurs des douanes et de la protection des frontières.
Une seconde base, issue du département de la sécurité intérieure, répertorie des informations relatives aux perquisitions et aux arrestations – cette dernière contiendrait les données biométriques de plus de 270 millions d’individus. Une troisième base serait utilisée, mais seulement pour une fonctionnalité particulière avancée : il s’agit de l’UPAX, une base relative aux contrôles des passagers. « Cet outil supplémentaire permet à l’utilisateur d’interroger les résultats faciaux ou biométriques afin de mieux déterminer le statut d’immigration de la personne en question », indique l’un des courriels consultés par nos confrères.
Des risques d’erreurs d’identification
Ce n’est pas la première fois que l’ICE a accès à des outils de reconnaissance faciale. Ce service a déjà conclu des contrats avec Clearview, qui permet par exemple de retrouver les profils d’une personne sur les réseaux sociaux. Mais il s’agit ici d’identifier des personnes, en direct, et en dehors des lieux habituels comme les points d’entrée aux frontières, les aéroports ou les gares : une nouveauté qui inquiète les défenseurs des libertés, craignant que l’outil ne se transforme en surveillance de masse.
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Cette technologie ne serait, d’abord, pas au point, expliquent les critiques. Un audit de l’inspecteur général du ministère de la Sécurité intérieure américain, datant de février 2025, a mis en garde contre le risque d’erreur d’identification lié à l’utilisation de la reconnaissance faciale. Dans ses emails, l’ICE suggère que la fonctionnalité de reconnaissance faciale est moins efficace que « la comparaison des empreintes digitales », décrite comme « l’indicateur biométrique le plus précis disponible dans l’application ».
Une utilisation en dehors des clous règlementaires ?
Pour Nathan Freed Wessler, directeur adjoint au sein de l’Union américaine pour les libertés civiles, une association de défense des libertés aux États-Unis, « la technologie de reconnaissance faciale est notoirement peu fiable, générant fréquemment de fausses correspondances et entraînant un certain nombre d’arrestations injustifiées dans tout le pays. Les agents de l’immigration qui s’appuient sur cette technologie pour tenter d’identifier des personnes dans la rue courent à la catastrophe ».
L’utilisation de cette application ne serait pas, pour ce dernier, conforme au droit américain : « le Congrès n’a jamais autorisé le département de la Sécurité intérieure à utiliser la technologie de reconnaissance faciale de cette manière, et (ce service) devrait mettre fin à cette expérience dangereuse », martèle-t-il dans les colonnes de 404 Media. Interrogé par nos confrères, ICE n’a pas souhaité commenter cette affaire.
En Europe, « l’AI Act », le règlement européen sur l’intelligence artificielle, a interdit les IA de reconnaissance faciale en temps réel, ce type de systèmes représentant un risque inacceptable en termes de liberté individuelle ou collective. En France, aucune disposition légale autorise la mise en place d’expérimentations de dispositifs de reconnaissance faciale à grande échelle. L’utilisation de logiciels d’analyse automatique des images est cependant autorisée en différé, c’est-à-dire à partir d’images déjà enregistrées, dans le cadre d’une enquête judiciaire, mais sous réserve de respecter certaines conditions.
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