Les lanceurs d’alerte bénéficient d’une meilleure protection, avec une amélioration du traitement de leurs signalements, mais des lacunes dans la réglementation persistent et leurs droits sont encore trop peu mis en avant par les pouvoirs publics, estime le Défenseur des droits dans un rapport publié mercredi 25 septembre. Dans ce rapport, portant sur les années 2022-2023, l’institution indépendante observe « qu’un tournant a été pris par le droit des lanceurs d’alerte », « nettement plus favorable » sur les protections apportées, « ambitieux » sur le recueil et les conditions de traitement des signalements.
La loi du 21 mars 2022 a en effet défini plus précisément leur statut, orienté leurs démarches, renforcé leurs droits et ceux des personnes ou associations qui les assistent, facilité leur soutien financier et psychologique, entre autres. Elle a transposé en droit français une directive européenne de 2019, en allant au-delà de ce qu’exige le droit européen, et corrigé des imperfections de la loi pionnière, dite « Sapin II », de 2016, peu utilisée à ce jour.
L’an dernier, 306 dossiers de demande d’accompagnement de lanceur d’alerte ont été adressés au Défenseur des droits, en hausse de 128 % par rapport à 2022. L’institution constate d’ores et déjà des failles, qui « freinent considérablement la mise en œuvre effective de la réforme ». « Il y a des lanceurs d’alerte qui ne connaissent ni leur statut ni leurs droits », a abondé mardi devant des journalistes la Défenseure des droits, Claire Hédon.
Elle pointe depuis plusieurs années une législation méconnue, et recommande de prévoir le financement d’actions de communication sur la protection et la promotion des lanceurs d’alerte, car, jusqu’ici, « aucune communication gouvernementale n’a été mise en œuvre ».
« Des situations dramatiques »
Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, ou une violation d’un engagement international de la France. Cette définition exclut ainsi les personnes morales, telles que les organisations syndicales, les associations ou les organisations non gouvernementales (ONG), ce que déplore l’autorité dans son rapport.
« Les personnes morales sont en effet susceptibles de pâtir de décisions, tels un refus de subvention, d’agrément, ou [de] voir leurs responsabilités civile ou pénale engagées, en lien avec une alerte qu’elles auraient pu placer », estime l’institution, qui plaide pour un régime de protection pour les personnes morales.
Le Défenseur des droits réclame par ailleurs d’améliorer notablement le soutien financier et psychologique des lanceurs d’alerte avec la création d’un fonds de soutien. « C’est compliqué pour les lanceurs d’alerte. On voit des situations dramatiques, des gens licenciés, black-listés avec les minima sociaux », a affirmé Claire Hédon.
Selon elle, les alertes sont en nombre encore limitées et concentrées sur quelques secteurs et institutions : sur les trente-quatre autorités externes de recueil de signalements (AERS) ayant communiqués leurs statistiques, vingt-quatre ont reçu moins de vingt-cinq alertes et dix n’en ont reçu aucune pour l’année 2023, qui peut s’expliquer par manque de communication ou de pertinence de l’autorité chargée de recueillir le signalement.
L’autorité regrette aussi l’absence de dispositif de protection dans les domaines de la défense et de la sécurité nationale. Cela « dissuade les démarches d’alerte en ce domaine où les enjeux, notamment financiers, sont particulièrement importants (…) Les éventuels lanceurs d’alerte qui se risqueraient à une divulgation, sous quelle forme que ce soit, ne seraient quant à eux pas protégés par la loi », peut-on lire dans le rapport.