Plutôt que de devoir se plier au nouvel actionnaire, la rédaction de Gamekult préfère quitter le navire. Les journalistes du site spécialisé dans les jeux vidéo ont annoncé, jeudi 17 novembre à l’occasion d’un live sur Twitch, que la quasi-intégralité de la rédaction allait démissionner.
« Nous sommes là pour annoncer le départ de la rédaction, qui sera effectif à partir du 7 décembre, a expliqué lors de ce direct le rédacteur en chef, Nicolas « Puyo » Verlet. Cela concerne la quasi-intégralité de la rédaction étendue : les rédacteurs, les JRI, mais également nos pigistes. […] C’est une réflexion que l’on conduit depuis plusieurs mois, depuis l’annonce du rachat. N’imaginez pas que l’on part sur un coup de tête. »
A la fin du mois de juin 2022, Gamekult a appris que son actionnaire, TF1, cédait son pôle de média numérique, baptisé Unify et dont fait partie Gamekult, au groupe Reworld Media. L’équipe du site profite de l’ouverture de la clause de cession pour quitter l’entreprise. Au total, ce sont donc neuf journalistes en CDI – soit la totalité des titulaires –, dont le rédacteur en chef, et 17 des 19 pigistes, qui ont décidé de quitter la rédaction.
Votre attention s’il vous plaît,
La rédaction de Gamekult quitte Gamekult. https://t.co/hp4PkGHAXX
La clause de cession est une spécificité liée au statut de journaliste qui s’active à la suite d’un rachat ou un changement d’actionnariat. Elle permet aux journalistes concernés de quitter l’entreprise en conservant leurs droits au chômage et en bénéficiant d’une indemnité variable selon le nombre d’années passées au sein de la rédaction. Le changement d’actionnaire de Gamekult a été rendu effectif le 18 octobre et les salariés ont été informés de l’ouverture d’une clause de cession le 28.
Un site historique du secteur
Près de cinq mois après l’annonce du rachat, le groupe Reworld Media n’a toujours pas clarifié ses ambitions à l’égard de sa nouvelle acquisition. « Nous attendons toujours la stratégie de Reworld, regrette Karyl Ait Kaci Ali, représentant du personnel au sein de l’entité Unify Tech, une branche de Unify qui regroupe les rédactions spécialisées dans les jeux vidéo et nouvelles technologies, dont fait partie Gamekult. En dépit des réunions que nous avons pu avoir, nous n’avons toujours pas d’éléments clairs concernant les plans de développement de Unify. » Contacté, le groupe Reworld Media n’a pas donné suite aux sollicitations du Monde.
Gamekult a été fondé en décembre 2000 et se présentait comme l’un des premiers magazines en ligne spécialisé dans les jeux vidéo en France, se reposant uniquement sur ses publications sur le Web. Au classement des sites de jeux vidéo établi chaque année par l’Agence française pour le jeu vidéo (AFJV), Gamekult décrochait en novembre 2012 la deuxième place derrière Jeuvideo.com. Le site, tombé depuis à la cinquième place, a connu plusieurs actionnaires au cours de son existence, passant de LDLC à Cup Interactive puis Newen, avant de tomber dans l’escarcelle de TF1. Gamekult s’était alors retrouvé intégré au sein de Unify, son entité dédiée aux médias en ligne et que le groupe audiovisuel cède aujourd’hui à Reworld Media.
L’annonce du nouvel actionnaire a déjà causé des départs de journalistes au sein des autres sites du groupe, particulièrement dans la branche Unify Tech. Unify possède, outre Gamekult, les sites Les Numériques, Cnet France, ZDNet, Aufeminin, Marmiton et Doctissimo. Contrairement aux autres rédactions du groupe, Gamekult a choisi en 2015 de proposer un abonnement payant visant à financer des articles et des enquêtes sur le secteur. Le site comptait en début d’année un peu plus de 12 200 abonnés.
Créé en 2012, Reworld Media a fondé sa stratégie sur l’acquisition de nombreux titres de magazine – il possède par exemple déjà Grazia, Maison & Travaux ou Auto Plus – et la réduction des coûts de production, parfois en profitant du départ des journalistes pour réduire le nombre de postes. Le groupe avait déjà fait face à une situation similaire en 2019 lors de son rachat du groupe Mondadori France : de nombreux journalistes de la rédaction de Science & Vie avaient alors choisi de prendre la clause de cession et étaient partis fonder le magazine scientifique Epsiloon.