« La suspension de TikTok ne suffit pas à elle seule à endiguer un problème de fond »

« La suspension de TikTok ne suffit pas à elle seule à endiguer un problème de fond »


Confronté depuis plusieurs jours à un regain de contestations et de violences en Nouvelle-Calédonie, le gouvernement français a mis à exécution une menace déjà formulée lors des émeutes de l’été 2023 : la suspension de TikTok. Beaucoup pointent les réseaux sociaux comme les principaux responsables du regain de mécontentement et des violences.

A l’aune de la récente décision du Congrès américain de voter l’interdiction éventuelle de TikTok [si le réseau social refusait de couper ses liens avec sa maison mère, ByteDance, et plus largement avec la Chine], l’application chinoise apparaît comme un coupable idéal. Cependant, une analyse plus approfondie du lien entre réseaux sociaux et sentiment antidémocratique révèle une réalité plus complexe.

En effet, une étude que j’ai coécrite en collaboration avec Bruce Bimber, Daniel Gomez, Ilia Nikiforov et Karolina Koc-Michalska, publiée dans la revue scientifique The International Journal of Press/Politics, ne corrobore pas l’idée selon laquelle TikTok contribuerait de façon significative au rejet des élites et des institutions, ni même au complotisme. Outre les plates-formes liées à la « fachosphère », telles que Gab, Rumble ou Truth Social, notre étude montre que ce sont les plates-formes favorisant des liens forts entre utilisateurs, comme Facebook, Snapchat et WhatsApp, qui contribuent le plus au rejet des élites et des institutions, ainsi qu’aux croyances complotistes.

Il n’est, en revanche, pas démontré que les plates-formes telles que X (ex-Twitter), Instagram, Threads ou même TikTok, qui promeuvent des interactions entre individus qui ne se côtoient souvent pas dans la vie réelle, soient responsables du rejet – parfois violent – de nos institutions.

Un terreau fertile

La situation en Nouvelle-Calédonie peut s’expliquer en partie par cette dynamique. Le mécontentement face au référendum sur l’indépendance de 2021, perçu comme illégitime en raison de la faible participation et de la pandémie de Covid-19, a trouvé un terreau fertile sur des plates-formes comme Facebook ou WhatsApp. Ces espaces permettent aux utilisateurs de renforcer mutuellement leurs griefs et de diffuser allègrement des idées extrémistes et complotistes.

La plate-forme de Mark Zuckerberg souffre par ailleurs d’une autre vulnérabilité structurelle facilitant à la fois la propagation d’idées corrosives pour la démocratie et la coordination d’actions violentes : la possibilité pour les utilisateurs de rejoindre des groupes d’intérêt à caractère politique ou idéologique. Cette fonctionnalité permet à tout utilisateur mécontent de s’associer à des semblables pour cultiver des idées parfois résolument antidémocratiques et, éventuellement, de coordonner des actes de violence. S’il est possible que TikTok ait aussi pu contribuer à la coordination d’actions violentes, il n’est pas évident que TikTok, en soi, représente un problème plus important que les autres plates-formes.

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