En regardant le verre à moitié plein, on notera que près de 75 % des entreprises françaises sont désormais raccordées à la fibre. Le rythme des déploiements laisse toutefois songeur. Seulement 12 % de sociétés supplémentaires ont migré vers le très haut débit en 2024. Cela veut surtout dire que plus du quart des entreprises n’ont toujours pas basculé.
Les conclusions du baromètre annuel « Fibre et Usages Numériques en Entreprise » de l’opérateur d’infrastructure Covage et de la fédération professionnelle InfraNum ne sont pas très rassurantes.
Alors que le réseau cuivre qui supporte l’ADSL va progressivement s’éteindre d’ici 2030, nombre d’entreprises ne sont visiblement pas prêtes.
Le réseau cuivre ferme ? Vraiment ?
Plus gênant encore, 48 % des dirigeants sondés, sur un panel de plus de 800 entreprises, disent ne pas avoir connaissance de la fermeture du réseau cuivre. La carte publiée dans le cadre de cette étude (ci-dessous) montre pourtant que plus de 40 000 sociétés situées dans 158 communes étaient déjà concernées cette année. Et, ce, sur tout le territoire.
Ce retard à l’allumage est d’autant plus pénalisant que la migration des entreprises à la fibre exige plus d’anticipation que pour les particuliers. Ce sont souvent plusieurs lignes analogiques et Numeris de type RNIS T0 et T2, parfois répartis sur plusieurs sites, qui seront fermées.
Tous les autocommutateurs (PABX) et les téléphones à touches ne passeront pas non plus en mode IP. L’opérateur Celeste évalue la facture à 15 milliards d’euros.
Une couverture encore incomplète
Au-delà du déficit d’information, d’autres obstacles freinent la migration. 23 % des entreprises rencontrent des problèmes d’éligibilité à la fibre et 20 % d’entre elles estiment que les offres actuelles ne répondent pas à leurs besoins. L’étude montre qu’il reste des irréductibles à l’ADSL. Seules 64 % des entreprise non fibrées envisagent de se raccorder à la fibre optique. Quid des autres ?
Selon les derniers chiffres de l’Arcep, le régulateur du secteur des télécoms, 23 millions locaux étaient reliés au 30 juin, soit 71 % du nombre total d’abonnements internet à haut et très haut débit. Paradoxalement, le déploiement de la fibre est particulièrement dynamique en zones rurales, via les Réseaux d’Initiative Publique (RIP). Actuellement à 60 %, le taux de couverture des communes rurales a progressé de 16 points en 2024.
« À l’inverse, dans les grandes agglomérations, où le taux d’équipement est déjà élevé, la progression stagne depuis plusieurs années, en raison de problématiques techniques et organisationnelles, comme le manque de couverture FTTH en zone très dense (ZTD) ou des besoins spécifiques liés aux usages multi-accès », note l’étude. Couverte à 82 %, la complétude de la région Ile-de-France n’a progressé que de 3 points en un an.
L’IA et la RSE, facteurs incitatifs
Pourtant, l’accès à la fibre est un levier évident pour la compétitivité des entreprises. Avec la transformation numérique et la généralisation du télétravail, des pratiques gourmandes en bande passante, comme la visioconférence ou le partage de fichiers lourds continuent de se renforcer. Par ailleurs, « les besoins en cybersécurité, en cloud et en intelligence artificielle prennent une place de plus en plus importante ».
L’IA pourrait d’ailleurs servir de déclic. « 17 % des entreprises déclarent déjà avoir besoin de débits supérieurs pour intégrer des solutions IA, soulevant la question de la capacité des opérateurs à répondre à ces futurs besoins. »
Offrant une meilleure stabilité que l’ADSL, la fibre peut être un atout pour assurer la continuité d’activité. Si seulement 20 % des entreprises déclarent pouvoir continuer travailler en cas de coupure, 10 % ont souscrit à deux accès fibre et 27 % associent la fibre et un mobile en backup pour garantir leur résilience. Étonnamment, 18 % des dirigeants font le choix d’une offre fibre grand public et non une offre professionnelle ou une solution dédiée (FTTO/FFTE) avec débit garanti.
Enfin, le recours à la fibre permet aux entreprise, dans la cadre de leur politique RSE, de réduire concrètement leur impact environnemental. Le baromètre rappelle que « cette technologie éco-responsable consomme jusqu’à quatre fois moins d’énergie que les technologies xDSL sur réseau cuivre et dix fois moins que la 4G. »
La moitié des entreprises sondées entreprises prennent en compte ce facteur dans le choix d’un opérateur. Plus généralement 62 % des organisations intègrent des critères RSE dans leurs choix numériques, à travers le recyclage du matériel, la réduction de la consommation énergétique ou encore le développement du télétravail pour limiter les déplacements.