Alors que l’Elysée voit dans l’intelligence artificielle (IA) un « enjeu de souveraineté » et prône l’émergence de « champions nationaux », quoi de mieux que d’être une start-up française possédant une technologie de classe mondiale pour aider les militaires à analyser les images satellites ? Pourtant, Preligens, dont les logiciels d’IA détectent les mouvements sur le terrain, dans les ports ou les bases aériennes, a décidé de se vendre.
La pépite de la défense a lancé, par l’intermédiaire de la banque Evercore Partners, un processus de recherche d’un repreneur et attend les offres fermes des candidats début juin. Preligens ne donne pas de noms, mais parmi les industriels de la défense cités figurent l’équipementier aéronautique français Safran et des Européens : la coentreprise italo-française Telespazio (détenue à 67 % par Leonardo et à 33 % par Thales) et le groupe de technologies suédois Hexagon AB.
Cette annonce illustre la difficulté à financer le développement d’une start-up d’IA en France et en Europe, particulièrement dans le secteur souverain de la défense.
« Cette évolution du capital n’est pas liée à notre situation économique, qui est bonne, mais à la décision des actionnaires historiques de réaliser une part de leur valeur », explique Jean-Yves Courtois, appelé en 2023 pour présider l’entreprise, après être passé par l’armée française, Thales ou la start-up Oriola, revendue à Safran. Présents depuis la création de la société en 2016, le fonds d’amorçage 360 Capital et les fondateurs, Arnaud Guérin (ex-Areva) et Renaud Allioux (ex-Airbus), souhaitent revendre leurs parts (les autres actionnaires sont les fonds privé Tikehau et public Definvest).
L’armée française comme principal client
« Nous ne sommes plus une start-up », argumente M. Courtois : l’entreprise de 220 salariés sera « rentable en 2024 » avec 3 ou 4 millions d’euros de résultat pour 35 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre 4 millions d’euros de pertes et 28 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023. Avec pour principal client l’armée française, M. Courtois reconnaît toutefois que « le business plan de l’entreprise était trop optimiste », notamment sur le délai d’obtention des agréments pour travailler avec l’armée des Etats-Unis. Vingt-six licenciements ont eu lieu en 2023.
Comme beaucoup de start-up aux ambitions mondiales, Preligens aurait pu lever de l’argent auprès d’un fonds dit « de croissance ». « Cela aurait été l’idéal, reconnaît M. Courtois. Mais il n’y a pas en Europe de fonds qui ont la taille nécessaire et qui s’intéressent à la défense. » Ce secteur serait d’autant moins attractif que la revente des entreprises peut être soumise au veto des gouvernements.
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