Les députés ont adopté à l’unanimité, jeudi 30 mars, un texte transpartisan pour encadrer les pratiques commerciales controversées d’influenceurs sur les réseaux sociaux. A l’issue d’une séance inhabituellement consensuelle en cette période de tensions autour de la réforme des retraites, les quarante-neuf députés présents ont tous voté, en première lecture, en faveur d’une meilleure régulation des influenceurs.
A la manœuvre derrière ce texte, un binôme opposition-majorité : Arthur Delaporte (Parti socialiste, PS) entend mettre fin à « la loi de la jungle » ; Stéphane Vojetta (apparenté Renaissance) veut « dire aux victimes de dérives qu’elles ont été entendues ». En plus de donner une définition légale aux influenceurs, le texte, soutenu par Bercy et la ministre des PME, Olivia Grégoire, interdira certaines pratiques, principalement la promotion de la chirurgie esthétique. En cas de manquement, les contrevenants encourront jusqu’à six mois de prison et 300 000 euros d’amende.
Arthur Delaporte plaidait pour une interdiction plus stricte englobant des dispositifs médicaux et des compléments alimentaires, fustigeant les « pilules miracle » présentées comme substituts « à la chimiothérapie ». Il a obtenu un rappel : les influenceurs n’ont pas le droit de faire la promotion de remèdes fallacieux, qui mettraient en danger la santé des abonnés. Les promotions de certains placements financiers à risque, notamment dans le domaine du numérique ou des cryptomonnaies, seront plus strictement encadrées.
Certains influenceurs sont de véritables stars, qui peuvent peser sur les comportements de consommation de millions voire de dizaines de millions d’abonnés, quand d’autres ont une audience beaucoup plus modeste. Mais tous sont pris dans un maelström ces derniers mois.
Partenariats rémunérés non explicites, exil fiscal ou accusations d’arnaques, la pression est montée pour réguler le marché, alors que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié une étude accablante. Meta (Facebook, Instagram) a également supprimé une série de comptes aux millions d’abonnés, dont ceux du couple Blata, visé par une action collective pour une vaste arnaque présumée.
Les influenceurs qui opèrent depuis l’étranger aussi visés
Si l’ambiance était à la coconstruction, socialistes et « insoumis » n’ont pas réussi à faire interdire formellement la promotion des jeux d’argent et de hasard, clé de voûte du business de certains influenceurs. Toutefois, il leur sera interdit d’en faire la promotion sur des plates-formes qui ne permettent pas de restreindre l’accès de la vidéo aux majeurs.
Sur YouTube par exemple, une vidéo peut être théoriquement interdite d’accès aux mineurs, un dispositif qui n’existe pas sur d’autres réseaux. Un compromis imparfait : « 26 % des adolescents jouent avec le compte de leurs parents », a rappelé Arthur Delaporte. Le texte grave également dans le marbre la soumission des influenceurs à la loi Evin. Des députées de l’opposition et l’association Addictions France ont appelé à bannir définitivement la promotion de l’alcool, mais sans succès.
La gauche a tenté à maintes reprises d’interdire ou d’encadrer strictement la promotion de nourritures ou boissons trop sucrées, salées, ou comprenant trop de produits de synthèse. Dominique Potier (PS) a fini par arracher, à une voix près, l’interdiction pour les mineurs de moins de 16 ans de faire la promotion de ce type de produits, visant par là les influenceurs adultes qui mettent en scène leurs enfants.
Le métier « d’agent d’influenceurs », qui met ceux-ci en relation avec les marques, sera aussi défini et encadré. Un contrat écrit sera obligatoire entre les parties quand les sommes en jeu dépassent un certain seuil. Il devra mentionner « la soumission au droit français », « au code de la consommation » et, à la faveur d’un amendement du MoDem, au « code de la propriété intellectuelle ».
Le Monde
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Le texte entend affecter aussi les influenceurs qui opèrent depuis l’étranger, comme à Dubaï. Ceux qui créent leurs contenus depuis l’extérieur de l’Union européenne (UE), la Suisse, ou l’espace économique européen devront souscrire une assurance civile dans l’UE, pour indemniser des victimes potentielles. En revanche le gouvernement a fait retirer l’obligation pour eux de désigner un représentant légal dans l’UE. Le texte devra maintenant être examiné par le Sénat.
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