Licorne française de l’assurance, Alan est une pépite française, au même titre que Mistral AI, Pigment, Sorare ou ManoMano dans d’autres secteurs. Pour alimenter sa croissance, l’assurtech tire profit de la réforme de la PSC, la protection sociale complémentaire des agents publics.
En concurrence avec MGEN, Alan a déjà remporté plusieurs contrats majeurs, dont l’Élysée, le ministère de la Transition écologique, Matignon et l’Assemblée nationale. Le ministère de l’Économie et des Finances a également retenu Alan au terme d’un appel d’offres.
Souci de protection des données sensibles des agents
De quoi se réjouir du dynamisme de la French Tech ? Ce n’est pas si simple, prévient le député MoDem de Vendée Philippe Latombe. Le choix de la mutuelle Alan justifie au contraire une mise en garde de l’élu du groupe politique allié au président Macron.
Le député reconnaît un “succès fulgurant” pour Alan, mais cette réussite est aussi synonyme de risque pour les données des agents publics concernés. La raison ? Le recours aux services cloud d’Amazon Web Services (AWS).
L’assurtech est en effet cliente de l’hyperscaler. En conséquence, la plateforme “se trouve donc assujettie à l’extraterritorialité du droit américain”, alerte Philippe Latombe sur Linkedin. Pour l’élu en préface du manifeste de la souveraineté numérique de l’IMA, il y a danger.
Du cloud souverain SecNumCloud imposé
“Je souhaite savoir si le gouvernement envisage, dans un souci de protection des données sensibles de ses agents et de cohérence avec les directives qu’il émet, de demander à ALAN de migrer vers un cloud souverain”, interroge le député.
Sa publication sur Linkedin au sujet de sa question adressée au ministère de l’économie suscite de nombreuses réactions. Pour certains, il s’agirait d’un “acharnement” anti-gafam ou d’une mise en danger de la compétitivité des entreprises innovantes françaises.
Alain Issarni, ex-CEO de NumSpot, questionne la politique de Bercy et sa cohérence. Le ministère impose ainsi le recours à un fournisseur cloud qualifié SecNumCloud aux PDP (Plateformes de Dématérialisation Partenaires) dans le cadre de la réforme de la facturation électronique.
S3NS pour la mutuelle concurrente MGEN
MGEN, concurrent d’Alan sur ces contrats, se montre-t-il plus exemplaire ? La mutuelle française migre son système d’information dans le cloud. C’est S3NS, joint-venture entre Thales et Google, qui a été retenue pour cette migration.
S3NS ne dispose pas encore de la qualification de sécurité de l’Anssi, mais le processus est bien engagé. Le clouder franco-américain espère ainsi décrocher le SecNumCloud d’ici la fin d’année. AWS, lui, n’a pas déposé de dossier auprès de l’Anssi.
Alan doit-il migrer vers un autre fournisseur cloud pour concourir à ces appels d’offres publics ? A priori, aucune obligation réglementaire ou administrative ne lui impose à ce jour. C’est d’ailleurs ce qui motive la question au gouvernement du député Latombe.
Des startups aussi très dépendantes des hyperscalers
Les startups françaises sont nombreuses à exploiter les services cloud des hyperscalers. Maya Noël, directrice générale de France Digitale, le rappelait en janvier lors d’une conférence IMA à Bercy sur la souveraineté numérique.
Les startups françaises sont largement dépendantes des acteurs américains. “Trois quarts d’entre elles se sentent dépendantes de ces entreprises”, chiffrait Maya Noël. “Sur le traitement de données, le cloud, nous sommes dépendants, et cet effet se propage sur la nouvelle vague d’IA générative.”
Pour Julie Huguet, directrice générale de la French Tech, il est “essentiel de travailler en collectif, de chasser en meute.” Et ce collectif s’applique autant à la collaboration entre entreprises (éditeurs, grands comptes et startups…) qu’au choix du made in France incarné par le programme « Je choisis la French Tech ».
Le choix des startups françaises ne constitue cependant pas un réflexe à ce jour, témoignent nombre d’entre elles auprès de la French Tech. “Nous n’avons pas encore en France ce réflexe de regarder parfois ce qui existe à côté de chez nous et qui répond à nos besoins.”