Le Conseil constitutionnel a censuré, dans sa décision du vendredi 17 mai, le délit d’outrage en ligne, une mesure qui avait été introduite par le Sénat dans le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN). Sollicité par deux saisines différentes, de La France insoumise et du Rassemblement national, le Conseil a statué sur un certain nombre de points contenus dans ce texte, l’un des plus fournis du quinquennat sur les sujets numériques.
Le nouveau délit d’outrage en ligne, finalement retoqué, était introduit par l’article 19 du projet de loi. Il punissait de 3 750 euros d’amende et un an d’emprisonnement le fait de « diffuser en ligne tout contenu qui, soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Dans certains cas, la personne concernée peut aussi faire l’objet d’une peine complémentaire de bannissement temporaire des réseaux sociaux, une autre mesure controversée introduite par la loi SREN.
Le Conseil constitutionnel a estimé que cet article 19, attaqué par les deux saisines, prévoyait de réprimer des faits qui étaient déjà prévus par la loi française. Il souligne par ailleurs que « les dispositions contestées font dépendre la caractérisation de l’infraction de l’appréciation d’éléments subjectifs tenant à la perception de la victime ». « Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées portent une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée », conclut la décision.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel censure les articles 10, 11, 18 et 58 du projet de loi. Ces derniers, qui prévoyaient respectivement la création pour les Français d’une identité numérique, la mise en place d’un service regroupant l’accès à tous les services publics nationaux et locaux, l’expérimentation d’un dispositif de médiation des litiges de communication en ligne et une modification du code des relations entre le public et l’administration, sont décrits comme des « cavaliers législatifs ». En d’autres termes, ils n’ont aucun lien avec le texte initial et sont donc considérés comme « irrégulièrement introduits dans la loi » au regard de la Constitution.
Banissement des réseaux sociaux et filtre anti-arnaques
L’essentiel du projet de loi, patchwork de mesures variées concernant le numérique, a néanmoins été validé. Un pan important de la loi SREN est notamment dédié à la protection des mineurs : elle prévoit l’introduction du blocage administratif pour les sites pornographiques ne mettant pas en place d’outils de vérification d’âge pour empêcher les mineurs d’accéder à leur plate-forme. Ainsi, là où il fallait avant saisir le juge pour demander le blocage des sites contrevenants, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) pourra, après une série de mises en demeure, ordonner d’elle-même aux fournisseurs d’accès à Internet d’empêcher l’accès aux sites concernés sur le territoire. Le texte permet également un régime de sanctions pour les hébergeurs qui ne se plient pas, dans un délai de 24 heures, aux demandes de retrait de contenus pédopornographiques. Cette disposition était attaquée par La France insoumise dans sa saisine, mais a été validée par le Conseil constitutionnel.
Il vous reste 41.2% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.