Le vote d’une disposition, approuvée à l’Assemblée nationale dans la soirée du lundi 27 janvier, pourrait durablement changer le marché de la prospection commerciale téléphonique. Introduite par la députée écologiste Delphine Batho, elle pose pour principe d’interdire le démarchage téléphonique non consenti.
Soutenue par le gouvernement et faisant l’unanimité chez les parlementaires, la disposition pourrait être rapidement inscrite à l’agenda du Sénat pour être définitivement adoptée. Elle présente, par ailleurs, l’avantage d’être favorablement accueillie par l’opinion publique. Selon un sondage effectué par l’UFC-Que Choisir en octobre, 97 % des Français se déclarent agacés par le démarchage commercial.
Reprenant la philosophie du RGPD , la mesure propose de passer du système actuel d’«opt-out», où le consommateur doit signifier son refus d’être démarché, à un mode «opt-in» où les entreprises de téléprospection ne peuvent plus solliciter un consommateur qui n’aurait pas exprimé au préalable un consentement libre et éclairé.
Aller plus loin que Bloctel et l’encadrement des appels
Ce changement d’approche signe l’inefficacité du dispositif Bloctel. Mis en place en 2017, il était censé protéger les Français inscrits sur sa liste des démarchages non sollicités. Une autre étude d’UFC Que Choisir montrait que 82 % d’entre eux continuaient d’être « harcelées » par des téléprospecteurs évoluant principalement dans la rénovation de l’habitat, les énergies renouvelables et la distribution de gaz et d’électricité.
Depuis le 1er mars 2023, une nouvelle disposition encadrant le démarchage téléphonique durcit les règles. En principe, les télévendeurs de crédit immobilier ou d’assurance vie ne peuvent contacter les prospects qu’en semaine, de 10 h à 13 h et de 14 h à 20 h, mais pas le week-end ni les jours fériés. Non seulement ces règles ne sont pas toujours respectées mais les sociétés de téléprospection se retournent vers les smartphones.
Des dizaines de milliers d’emplois menacés
Ce nouveau tour de vis ne plait pas, on se doute, aux acteurs du secteur. Dans un communiqué, la Fédération de la vente directe (FVD) estime que cette mesure menacerait « des dizaines de milliers d’emplois », priverait les entreprises d’un outil de prospection essentiel et créerait une distorsion de concurrence.
« La restriction du démarchage favoriserait les grandes plateformes digitales et multinationales, renforçant leur monopole sur les canaux de prospection coûteux, juge la FVD. Les petites et moyennes entreprises, déjà fragilisées, seraient incapables de rivaliser. Globalement, toutes les entreprises françaises de vente directe, représentant un commerce de proximité, seraient fortement impactées. »
« L’expérience internationale, notamment en Allemagne, montre que l’interdiction globale du démarchage téléphonique ne réduit pas les pratiques abusives, poursuit la FVD. En revanche, elle affaiblit les acteurs éthiques et les économies locales. » En lieu et place de cette interdiction, la fédération plaide pour un renforcement des sanctions et la mise en place de chartes déontologiques.
Robocall ou Daisy, les deux faces de l’IA
Comme dans bien d’autres domaines, l’intelligence artificielle pourrait jouer les trouble-fêtes. En générant automatiquement des appels téléphoniques dédiés à l’information commerciale, la relance ou la prise de rendez-vous, l’IA ouvre grand le champs des possibles. En multipliant potentiellement à l’infini les « robocalls », les acteurs de la téléprospection s’affranchissent des contraintes financières et humaines de leur activité.
Aux États-Unis, la FCC, l’autorité de régulation du secteur des télécommunications, a d’ores et déjà interdit les messages téléphoniques générés pas IA. Ce qui n’est pas encore le cas en France. Sur le plan technique, les opérateurs télécoms mettent en place des dispositifs de vérification du numéro pour lutter contre les appels frauduleux.
L’IA peut-être aussi utilisée pour faire tourner en bourrique les harceleurs téléphoniques. L’opérateur britannique Virgin Media a récemment créé Daisy, une charmante grand-mère générée artificiellement dont le seul but est de répondre au téléphone et d’occuper les arnaqueurs le plus longtemps possible. Si Daisy échange avec un robocall, la communication risque de s’éterniser….