Le faussaire de haut vol était un ingénieur en informatique

Le faussaire de haut vol était un ingénieur en informatique


Sur les images, son laboratoire est méticuleusement rangé, avec des boîtes pour les cartouches d’imprimante ou les laminats, ces feuilles de plastique vierges. Au sol, une petite guirlande lumineuse donne une touche plus cosy au bureau. Bienvenue dans l’atelier de production de fausses cartes nationales d’identité de “Volrys”, un faussaire très actif sur le darkweb francophone.


En quelques années, cet ingénieur de 28 ans des environs de Belfort aurait ainsi écoulé environ 3000 fausses cartes d’identité. Il est actuellement jugé avec sept autres prévenus dans l’affaire du marché noir “La Geneverie”, une affaire instructive sur les ventes louches qui se nouent dans les recoins interlopes du web. Le procès a débuté le 4 mars devant la 13e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris.


Mais pour “Volrys”, “La Geneverie” n’était qu’un de ses nombreux partenaires. Il travaillait ainsi pour “Sin papeles”, “Geotrouvetou”, ou encore “Bob lepongeur”. Le faussaire avait ouvert son shop sur la messagerie Telegram – il avait même créé un autre canal pour dénigrer la concurrence – après plusieurs années sur les forums francophones du darkweb, du Monde Parallèle à Dark French Anti System (DFAS).

Production quasi industrielle 

Ce business au départ laborieux est devenu florissant. Puis il s’est brutalement arrêté avec son arrestation en avril 2023. “Volrys” vendait jusqu’à dix fausses cartes d’identité par jour, produites de façon quasi industrielle et vendues entre 100 et 400 euros l’unité, en crypto-monnaie ou en coupons PCS, eux-mêmes ensuite changés en crypto. Ce qui a représenté en quelques années d’activité des rentrées d’argent évaluées à plus de 400 000 euros.


Tout avait commencé, explique à la barre Anthony P., son vrai nom, après une annonce postée sur Leboncoin. Une personne âgé lui demande alors de faire une fausse facture pour améliorer sa retraite, il accepte. “Au début, je suis allé sur le darknet par curiosité, et puis j’ai essayé de comprendre comment cela fonctionnait”, ajoute-t-il.



Un parcours criminel déroutant: après un DUT en informatique, “Volrys” a obtenu une licence en informatique en alternance chez un opérateur télécom du coin. Il est ensuite débauché par Suneris, rachetée alors par Thales pour un poste devsecops, avant de rejoindre une plateforme de veille. Mais malgré ces bons postes, bien payés, il continue ses activités illégales.

Faux chèque au nom d’Emmanuel Macron 

Pourtant, avant de devenir un spécialiste de la fausse carte d’identité, Anthony P. a tâtonné. Il s’est essayé aux faux chèques – au nom d’Emmanuel Macron – et aux faux diplômes – un genre de document qui n’intéressait pas grand monde. Il trempe également dans le piratage informatique: il avait obtenu un dump de la base de données d’un site de rencontres synonyme de données personnelles volées.



“Quand les ventes de fausses cartes ont commencé à décoller, il a fallu automatiser et recruter”, explique Anthony aux juges. Au cours d’une partie de laser game, il trouve son associé, Aurélien C., un jeune boulanger à la rue. Puis il met en place un bot Telegram. Ce dernier lui permettait de recevoir automatiquement les informations et la photo à faire figurer sur le faux document.



Une bonne fortune qui leur a toutefois valu de sérieuses inimitiés. L’associé de “Volrys” a été séquestré quasiment une journée par un partenaire indélicat, qui a fait ainsi main basse sur 42 000 euros en crypto-monnaie et du matériel d’imprimerie, un incident aux airs de la série Breaking bad.

« On pensait se refaire » 

Pas de quoi décourager les deux compères. “C’était assez frustrant de voir que nous n’avions récolté que des ennuis, nous n’avons pas arrêté direct car on pensait se refaire”, résume Anthony P. Ce n’est que plus tard, explique-t-il, au moment de son arrestation, qu’il décide de tout arrêter pour tenter de lancer avec Aurélien une nouvelle entreprise, cette fois-ci légale.



Cela faisait toutefois un petit moment que le business douteux de “Volrys” avait été repéré par la police. Mais l’enquête n’a finalement permis de remonter au suspect qu’après une longue collecte d’indices. Un homme victime d’usurpation d’identité de la part de “Volrys” s’était d’abord souvenu qu’un ancien ami de son lycée, qui avait créé un serveur Minecraft était doué en informatique.


Puis un tuyau anonyme leur avait permis de cibler une zone géographique, l’est de la France. En suivant la piste d’Anthony P., les enquêteurs avaient alors trouvé de nombreux points communs entre son parcours et les déclarations en ligne de “Volrys”, comme le fait qu’il avait un homonyme au fichier des personnes recherchées. Avant enfin de découvrir que leur suspect avait fait d’importantes acquisitions sur Amazon de produits pouvant être utilisés par un faussaire. Son procès doit se terminer le 20 mars.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.