Le samedi 9 avril, alors que la France se prépare au premier tour de l’élection présidentielle, le premier ministre Jean Castex est mentionné sur Twitter par un compte étrange. Intitulé @CotamFleet, il traque le moindre déplacement de la flotte aérienne gouvernementale et annonce un vol prévu le dimanche, à bord d’un jet Falcon et en partance de la base francilienne de Villacoublay. Le chef du gouvernement a en effet prévu de voter à Prades, une commune des Pyrénées-Orientales dont il a été le maire pendant douze ans.
🚨 Vols demain pour Perpignan pour le Falcon gouvernemental F-RAFP discret qui pourrait transporter le Premier Minis… https://t.co/PnYNZB6lQ8
Journalistes et militants écologistes reprennent et propagent dans la foulée cette information, provoquant l’ire de nombreux utilisateurs de Twitter. « Ça vient nous parler d’écologie mais c’est les premiers qui polluent comme des malades », réagit l’une d’entre eux. En à peine quelques heures, les réseaux sociaux s’embrasent, une pétition est lancée, le premier ministre sommé de réagir à la controverse et de privilégier un autre moyen de transport pour le second tour. Pour les défenseurs du climat, c’est une première.
Mais c’est aussi l’origine de l’alerte qui intrigue : le flight tracking. Cette pratique, qui consiste à surveiller le ciel et les avions qui s’y déplacent grâce à des données accessibles publiquement, était jusqu’ici majoritairement utilisée par des passionnés d’aviation et d’investigation en sources ouvertes. Mais depuis peu, alors que les industries aéronautiques du monde entier tentent de se relever du Covid-19 et que, dans le même temps, les ventes de jets privés explosent, les activistes pour le climat ont transformé le flight tracking en un outil puissant dans la lutte contre la pollution du transport aérien.
Une « lecture environnementale » grandissante
Il y a six ans, quand l’Américain Dan Streufert lance ADS-B Exchange, son site de flight tracking, il n’a aucune arrière-pensée politique. « A l’époque, c’était vraiment quelque chose pour les amateurs d’aviation et d’électronique », assure-t-il au Monde. Devenu aujourd’hui un acteur incontournable, il capte à travers la planète les signaux de tous les aéronefs qui transmettent publiquement et en direct leurs identifiants et leurs positions. « Nous collectons ces informations et les agrégeons dans une grande carte et une base de données », précise-t-il.
En une année, Dan Streufert a vu le nombre de visites sur son site doubler, pour atteindre 400 000 utilisateurs par semaine. D’après lui, en plus des récentes utilisations d’ADS-B Exchange en rapport avec la guerre en Ukraine, de nombreux internautes ont désormais une « lecture environnementale » du flight tracking. En associant chaque engin à son propriétaire, des militants sont en effet capables d’examiner les comportements aériens des plus polluants et de les révéler au grand jour sur les réseaux sociaux.
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