Le groupe Le Monde se dote d’une charte sur l’intelligence artificielle

« L’intelligence artificielle est-elle l’alliée incontournable, ou l’ennemie incontestable, de nos préoccupations environnementales ? »


Le paysage des médias a connu ces dernières décennies deux révolutions : l’arrivée d’Internet dans les années 1990 puis l’émergence des réseaux sociaux dans les années 2000. L’intelligence artificielle (IA) dite générative (capable de créer des textes, des images ou des vidéos) va-t-elle à son tour bouleverser un écosystème décidément bien instable ? La question revient en boucle dans nombre débats, conférences, séminaires et tables rondes organisés depuis le lancement d’une version grand public du robot conversationnel ChatGPT, à la fin de l’année 2022.

Sans plus attendre, le groupe Le Monde a décidé de se doter d’une charte sur l’utilisation de l’IA par ses rédactions, texte destiné à compléter sa charte d’éthique et de déontologie. Le document a été adopté le 15 décembre 2023 par le comité d’éthique et de déontologie du groupe Le Monde. Les sociétés de journalistes des différents titres concernés (Courrier international, Le Monde, Télérama et La Vie) ont été associées aux discussions. Ce texte devrait être statutairement adopté par la prochaine assemblée générale de la Société éditrice du Monde.

Le document est composé de quatre articles et établit en préambule un principe qui a le mérite de la clarté : « En aucun cas, l’IA ne peut se substituer à l’humain dans nos productions et réalisations journalistiques. » Cette charte s’adresse autant aux journalistes du groupe de presse qu’à celles et ceux qui les lisent. « Il est essentiel de réaffirmer à nos lecteurs les principes qui nous régissent afin de maintenir la confiance qu’ils placent dans les titres du groupe Le Monde », est-il affirmé.

L’article 1 garantit aux lecteurs et aux lectrices qu’aucun contenu éditorial ne saurait être conçu en dehors des collectivités d’intelligence humaine que constituent les rédactions du groupe Le Monde. « Les intelligences artificielles génératives (…) ne peuvent en aucun cas se substituer aux équipes éditoriales, précise-t-il. Le recours à l’IA générative n’est autorisé, dans des conditions strictement encadrées, que comme un outil d’assistance à la production éditoriale. »

La charte sur l’utilisation de l’IA au sein du groupe Le Monde impose que tout autre usage d’une IA générative soit systématiquement et explicitement signalé au lectorat – « l’usage de l’IA générative pour créer des images est prohibé », est-il par ailleurs posé. Une des conditions du recours à l’IA générative est qu’elle permette « d’améliorer la qualité des contenus d’information ».

Trésors d’ingéniosité

Les titres du groupe Le Monde ne s’interdisent pas d’avoir recours à certains outils utilisant l’intelligence artificielle. Le Monde in English en est un exemple : cette version anglophone du site du Monde propose chaque jour depuis avril 2022 plusieurs dizaines d’articles produits par la rédaction et traduits en anglais. Chacun de ces articles fait l’objet d’une traduction en trois étapes : la première « couche » de traduction est effectuée par le logiciel de traduction automatique DeepL, la deuxième par un traducteur professionnel (humain !), la troisième par un ou une journaliste anglophone.

Ce projet n’aurait pu voir le jour sans l’amélioration des performances des logiciels de traduction : le coût en heures de travail d’une traduction 100 % humaine aurait été dissuasif au regard des revenus attendus. Ce sont les progrès de l’IA qui ont permis de penser qu’il pouvait trouver son équilibre économique dans un délai raisonnable. Au bout du compte, plusieurs emplois de journalistes anglophones ont été créés au sein de la rédaction du Monde, l’IA n’est donc pas forcément synonyme de destruction d’emplois.

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Autre exemple de service supplémentaire proposé par Le Monde à ses lecteurs et à ses lectrices grâce à un usage maîtrisé de l’IA : la mise à disposition d’une version audio des articles. Ces « articles à écouter » sont générés automatiquement à partir de la version écrite du texte et des voix enregistrées de trois comédiens et trois comédiennes. Même si des imperfections demeurent dans la prononciation de certains mots et sigles, elles sont gommées progressivement par l’IA. Les utilisateurs de l’application du Monde ont désormais accès à cette version audio pour l’ensemble des articles.

L’IA aide enfin l’équipe qui assure la modération des commentaires des abonnés du Monde à repérer les messages ne respectant pas notre charte des contributions. Là encore, rien ne saurait remplacer un œil et un cerveau humains pour déjouer les trésors d’ingéniosité dont font preuve certains pour flirter avec les limites définies par les règles fixées.

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