Le combat a été rude, mais la commission d’enquête du Parlement européen consacrée aux logiciels espions, lancée en 2022 après les révélations du consortium « Projet Pegasus », dont Le Monde faisait partie, a bouclé ses travaux, lundi 8 mai. Son rapport définitif a été adopté, de même que les recommandations aux Etats membres et aux institutions européennes pour mieux encadrer l’usage de ces outils de cybersurveillance.
Un premier succès pour Sophie in’t Veld, l’eurodéputée néerlandaise du groupe Renew qui avait été désignée comme rapporteuse de cette méticuleuse enquête. « Pendant notre enquête, le niveau de coopération des Etats membres a été très faible, confie-t-elle au Monde. Or les logiciels espions représentent une énorme menace pour notre démocratie. Certains gouvernements invoquent à tort la “sécurité nationale”, qui est en réalité une zone de non-droit où les citoyens sont laissés sans protection. »
« La commission d’enquête a fait la lumière sur des cas d’utilisation illégale de logiciels espions contre des juges, des avocats, des journalistes, et même l’opposition démocratique en Pologne et en Hongrie. Cet abus de logiciels espions constitue une violation flagrante de l’Etat de droit, des valeurs de l’UE et des principes démocratiques les plus élémentaires d’élections libres et équitables », assure Juan Ignacio Zoido, porte-parole du groupe du Parti populaire européen (PPE) au sein de la commission d’enquête.
« Inertie » à Bruxelles
Pendant ses investigations, la commission déclare n’avoir reçu « que peu ou pas de réponses de la part des autorités nationales sur l’acquisition et l’utilisation de logiciels espions. Les fournisseurs et les pays délivrant des licences d’exportation (principalement Israël) ne partagent aucune information sur les clients ».
Pis, poursuit le rapport, « de nombreuses autorités des Etats membres n’ont pas fourni à la commission d’enquête d’informations significatives sur les cadres juridiques régissant l’utilisation de logiciels espions et l’utilisation de logiciels espions dans leurs Etats membres au-delà de ce qui était déjà publiquement connu, principalement en raison des exigences légales nationales en matière de secret et de confidentialité ».
Dans les faits, les cas les plus préoccupants d’utilisation de logiciels espions concernent cinq Etats : Pologne, Hongrie, Grèce, Espagne et Chypre. « Mais tous les pays pourraient être touchés », nuance la rapporteuse.
« Malgré l’ampleur du scandale, la Commission européenne et le Conseil européen n’ont pris aucune mesure, reprend Sophie in’t Veld. Leur inertie et leur silence les rendent complices. Lorsque la démocratie de l’UE est en danger, la Commission et le Conseil doivent mettre en œuvre sans délai les recommandations du Parlement. »
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