Tripler les contrôles, mettre en place une redevance… En attendant une future réforme au niveau européen, le gouvernement a décidé de prendre plusieurs mesures sur les colis provenant des plateformes étrangères, dont Temu, Shein et AliExpress.
Plus de contrôles des colis provenant des plateformes étrangères comme Shein, Temu et AliExpress : voilà comment le gouvernement français compte s’attaquer aux sites de e-commerce à bas coût chinois. Dans un contexte où la hausse des droits de douane américains pourrait entraîner un report des marchandises destinées aux États-Unis vers l’Europe, Paris a souhaité agir.
Mardi 29 avril, quatre ministres se sont rendus à l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle pour annoncer plusieurs mesures : il s’agit d’abord de limiter, selon Eric Lombard, ministre de l’Économie, « l‘afflux massif de petits colis », en « réinject(ant) de l’équité dans ce système et ralenti(ssant) les flux ». « Aujourd’hui, ce sont 800 millions de petits colis qui entrent chaque année sur notre territoire sans droits de douane, à des prix défiants toute concurrence. 91 % viennent de Chine. Derrière ces chiffres, il y a une réalité : une vague massive de produits souvent dangereux, vendus sans respect de nos normes, de notre fiscalité, de nos exigences environnementales et sociales », a regretté Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, en charge des douanes.
66 % de produits dangereux
« Les produits achetés en ligne » sont non conformes « à 94 %, (avec) 66 % de produits dangereux », a-t-elle précisé. Le gouvernement a annoncé que les contrôles de la DGCCRF, l’organisme en charge de la répression des Fraudes, vont être multipliés par trois. Désormais, une doctrine de « contrôle à 360 degrés » s’appliquera. Trois éléments seront spécifiquement contrôlés, a détaillé Bercy :
- « la conformité aux normes de sécurité,
- la loyauté en matière d’étiquetage et d’allégations environnementales,
- les pratiques commerciales ».
Une réforme du droit des douanes au niveau européen est en cours, mais elle prend du temps – d’ici 2028, l’exonération des droits de douanes dont bénéficient les colis de moins de 150 euros, en provenance de Chine, devrait être supprimée. En attendant, Paris a souhaité mettre en place dès à présent de nouvelles mesures destinées à mieux protéger les consommateurs et les entreprises européennes qui déplorent une concurrence déloyale. La hausse des contrôles concernera toutes les plateformes, avec une priorité pour les entreprises étrangères.
Une redevance de quelques centimes ou euros sur chaque colis ?
« Cette évolution de la doctrine de contrôle vise à rétablir le déséquilibre existant entre des acteurs européens et extraeuropéens ». Depuis des mois, les entreprises européennes et les associations de protection des consommateurs demandent aux autorités françaises et européennes de mieux contrôler les plateformes étrangères, accusées de ne pas respecter les normes sociales et environnementales en vigueur sur le Vieux continent – ce qui leur permettrait de proposer des prix défiants toute concurrence, selon ces organisations.
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Paris souhaite aussi proposer une redevance forfaitaire sur les petits colis, ce qui permettrait de réhausser le prix des produits provenant de Chine et de rétablir une certaine concurrence loyale entre sociétés européennes et étrangères. Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, souhaite en discuter avec ses homologues européens dans les prochaines semaines. Il pourrait s’agir d’une redevance « de quelques dizaines de centimes d’euros par article », voire « de quelques euros par colis », détaille Contexte, ce mercredi 30 avril.
Si ces mesures pourraient à terme faire augmenter le prix des colis pour les consommateurs, la ministre a assuré qu’il ne s’agissait pas « d’une taxe pour les consommateurs. C’est un moyen de faire payer ceux qui aujourd’hui profitent d’un système sans assumer leurs responsabilités ».
Enquêtes, stratégies… Les actions en cours au niveau européen
Au niveau européen aussi, la Commission européenne a expliqué, en février dernier, qu’elle comptait davantage contrôler les plateformes d’e-commerce, en lançant « des contrôles douaniers spécifiques », en collaboration avec les autorités locales. Ces trois dernières années, l’arrivée de produits provenant de plateformes étrangères a explosé : près de 4,6 milliards de colis qui ne dépassent pas les 150 euros sont entrés sur le marché européen en 2024, ce qui est presque deux fois plus qu’en 2023 et trois fois plus qu’en 2022, relevait l’exécutif européen. Chaque jour, près de 12 millions de ces petits colis entrent sur le Vieux continent, détaillait Bruxelles. Résultat, « il est essentiel de finaliser notre réforme de l’union douanière et éventuellement de l’avancer à 2026 », plaidait notamment Maroš Šefčovič, le commissaire européen au Commerce et à la Sécurité économique.
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L’Union européenne compte également utiliser les lois existantes pour agir contre les plateformes d’e-commerce non européennes comme le DSA (le règlement européen sur les services numériques) et le DMA (le règlement européen sur les marchés numériques). Des procédures sont d’ailleurs en cours – Temu fait l’objet d’une enquête officielle de la Commission européenne depuis octobre 2024, sous l’égide du DSA, notamment en raison de « produits cosmétiques sans liste d’ingrédients ou encore des jouets pour bébés non sécurisés », a rappelé Clara Chappaz, la ministre déléguée en charge du Numérique.
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En février dernier, l’association BEUC listait ainsi à propos de tests effectués sur Temu « des petites pièces trop facilement détachables dans les jouets pour enfants et les produits pour bébés, qui peuvent provoquer des suffocations, des listes d’ingrédients manquantes ou incorrectes dans les cosmétiques, ou encore des radiateurs électriques extrêmement dangereux ». Des procédures similaires visent aussi AliExpress, et Shein depuis février dernier, soupçonné de ne pas respecter les normes de protection des consommateurs.
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