« Madame, c’est quoi la vulve ? » Thao triture, un brin inquiet et timide, le morceau de papier où est écrit ce mot et dont il ne sait pas bien quoi faire. Tour à tour, douze élèves de 6e du collège Emmanuel-Maffre-Baugé de Paulhan dans l’Hérault doivent venir, en ce matin de février, placer les étiquettes que l’enseignante leur a confiées sur les silhouettes d’une femme et d’un homme projetés au tableau. Thorax, abdomen, pubis, pénis, bras, anus… L’idée est de déterminer quelles sont les parties intimes. « Alors, qui pour aider Thao ? », lance Julie Delcasso, professeure de sciences de la vie et de la terre (SVT). Silence. « Tout le monde sait ce qu’est un pénis et personne ne sait ce que c’est une vulve ? » Et après une pause : « C’est le sexe de la femme », explique-t-elle devant un auditoire où les gloussements sont moins présents que ce à quoi on pourrait s’attendre.
Cette séance autour de l’intimité adressée à des élèves de 6e constitue une nouveauté dans le programme de prévention et d’éducation à la sexualité mis en place depuis une dizaine d’années dans ce collège rural de 600 élèves, situé à une quarantaine de kilomètres de Montpellier. Dans le second groupe, Tony, bras croisés et regard frondeur, demande : « Mais quand même, madame, parfois la fille, elle est d’accord et puis après elle va porter plainte. » L’enseignante s’arrête et se montre ferme : « Ça, ce sont des histoires qu’on se raconte et il faut que tu te l’enlèves de la tête. Il n’y a pas “des filles qui”. Un non, c’est un non. Les victimes, il faut les écouter. »
D’autres élèves parlent ensuite brièvement devant leurs camarades ou en aparté des agressions dont ils ont entendu parler. Pour l’un, c’est une cousine qui a eu « un sexe dans la bouche » alors qu’elle était en maternelle ; pour l’autre, c’est un adolescent de 15 ans qui a touché les parties intimes d’une copine plus jeune… A 11 ans, ces élèves semblent déjà aguerris sur le sujet. « Nous avons beaucoup tâtonné avant de proposer cette séance, mais elle nous paraît plus qu’essentielle pour libérer la parole et protéger nos élèves », note Julie Delcasso, l’une des coordinatrices du projet.
Ambiance joyeuse
Alors que moins de 20 % des collégiens et 15 % des écoliers bénéficient des trois séances annuelles d’éducation à la sexualité pourtant prévues par la loi depuis 2001, ce dispositif « maison » impulsé par une enseignante de SVT, Isabelle Lardat, a encore tout d’une exception. L’éducation à la sexualité est « un échec », martèle un rapport sénatorial de septembre 2022 consacré à l’industrie pornographique : « Les adolescents sont bien souvent laissés seuls avec leurs questionnements et sans espace de discussion » alors que le porno est devenu « un lieu d’apprentissage de la sexualité par défaut ». Face à ces constats, le président de la République, Emmanuel Macron, a demandé récemment à renforcer l’éducation à la sexualité, sans impulsion concrète jusqu’à présent.
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