Le premier test gaming jamais publié de l’Elbrus-8SV a révélé que le processeur souverain russe est une catastrophe dans les applications gaming. En dépit d’une carte graphique dont les drivers sont solides, la puce russe est dans les choux avec des jeux de plus de 10 ans d’âge.
Si vous idolâtrez la puissance technologie russe, voilà une vidéo qui va vous faire redescendre les pieds sur terre. Pour la première fois, le processeur souverain russe Elbrus-S8V a été passé au crible des tests gaming. Oui, gaming, car les testeurs ont de l’humour… et les résultats ne sont pas fameux. Il faut déjà rappeler que les puces développées par le Moscow Center of SPARC Technologies (MCST) sont des processeurs exotiques. Basés sur une structure appelée VLIW (very long instruction word) que l’essentiel de l’industrie a abandonné (comme l’Itanium d’Intel), l’Elbrus-8SV est une puce à huit cœurs cadencés à 1,5 GHz chacun.
Des cœurs qui ont le « pouvoir » d’émuler les instructions x86/x64, et donc de motoriser Windows et les jeux que vous y installerez. Ici, les hautes sphères russes ont été malines : si la puce est qualifiée pour des distributions Linux compilées pour leur puce maison, le fait de pouvoir exécuter du code x86 permet de lancer tous les logiciels classiques. Et ainsi de profiter d’un écosystème très large de programmes sans (trop) rentrer dans le vol de propriété intellectuelle quant à l’usage des jeux d’instructions x86, qui sont dans le giron d’Intel.
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Gravée par TSMC en 28 nm à partir de la fin 2018 – enfin, du temps où la Russie avait accès aux usines de TSMC – l’Elbrus 8SV n’est pas le dernier rejeton du MCST qui a depuis lancé une version à 16 cœurs cadencés à 2,0 GHz (Elbrus-16S) et promet même un Elbrus 2000 avec 32 cœurs à 2,5 GHz d’ici à 2025 (mais produit comment ?). Mais la bête fonctionne avec Windows, peut lancer des jeux et est donc passé sur le grill des bancs de test (dans une version Linux). Et ça fait de la peine à voir.
Un processeur nul… pour les jeux d’il y a 10-20 ans !
Entre les jeux open-source qui tournent sur des ordinateurs de 10 ans d’âge comme Super Tux Cart, The Dark Mod (un clone de Thief) ou Kisak-Strike (un clone cd CS:GO), le compte YouTube Elbrus PC Play a mis la puce à l’épreuve sur trois jeux connus et anciens : The Elder Scrolls 3 : Morrowind (2002), S.T.A.L.K.E.R.: Clear Sky (2008) et sa suite S.T.A.L.K.E.R.: Call of Pripyat (2009-2010). Pas des jeux à la pointe de l’art, c’ets le moins que l’on puisse dire… Et pourtant, les résultats restent très mauvais. Si Morrowind ne pose pas trop de challenge, le premier STALKER tourne péniblement à 30 i/s et la machine plafonne à 10 i/s dans Call of Pripyat en Full HD dans un niveau de détails moyen !
Et ne vous fiez pas au fait qu’il lance les jeux : l’essentiel du travail de rendu 3D est rendu possible par sa carte graphique additionnelle, une AMD Radeon RX580. Ainsi, à titre de comparaison, dans Call of Pripyat, la même carte graphique sur un Ryzen 5 3600 (6 cœurs/12 tâches) lancé en 2019, le jeu est quatre fois plus rapide… en Full HD niveau de détails élevé !
Limites matérielles et logicielles
La première des limites est évidemment matérielle. Les huit cœurs ne sont cadencés qu’à 1,5 GHz, notamment du fait de la vieille gravure en 28 nm. Ce à quoi s’ajoute une architecture complexe plus taillée pour les calculs scientifiques (la raison d’être du VLIW). Et bien sûr le fait que MCST ne peut prétendre au niveau de savoir-faire d’un AMD ou d’un Intel. Équipé d’un disque SSD et de mémoire DDR4, l’Elbrus-8SV souffre aussi d’un autre défaut : des drivers non optimisés.
Si les cartes graphiques ont l’impact le plus important sur les performances 3D, les processeurs ont eu aussi le mot à dire. C’est pourquoi il est important que les concepteurs de moteurs de jeu ainsi que les studios de développement entretiennent des liens avec AMD et Intel. Et il y a fort à parier qu’il n’y a aucun ingénieur de MCST dans les grands studios de jeu. La cible de cette puce, rappelons-le tout de même, étant d’offrir à la Russie une relative indépendance technologique au pays. On dit relative, car ne maîtrisant même pas la gravure en 65 nm, le pays de M. Poutine est dans les choux dans la production de semi-conducteurs de pointe. Et puisque même son système bancaire ne peut faire confiance aux puces Elbrus, il est certain que les Russes n’ont pas intérêt à utiliser leurs puces domestiques. Ni pour jouer, ni pour faire tourner les infrastructures du pays. La contrebande de puces américaines a donc de beaux jours en Russie…
Source :
Tom’s Hardware (US)