Anne Bouverot est l’envoyée spéciale du président de la République, Emmanuel Macron, pour le sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA), prévu, à Paris, les 10 et 11 février 2025 (avec des événements qui s’étaleront sur six jours à partir du 6 février), dix-huit mois après une première édition à Londres. Présidente du conseil d’administration et titulaire d’un doctorat en IA de l’Ecole normale supérieure, cette ingénieure, qui a vécu aux Etats-Unis et fait carrière dans des entreprises technologiques comme Orange, avait déjà coprésidé la commission de l’IA, chargée d’un rapport pour développer cette technologie en France.
Mme Bouverot expose les axes du sommet, qui, en dépit de l’instabilité politique en France, devrait accueillir au Grand Palais, à Paris, les entreprises d’IA, des ONG et des représentants de 100 pays, dont les Etats-Unis, la Chine, l’Inde ou des nations d’Afrique. Elle met en avant trois « marqueurs » : une fondation pour créer des « communs » numériques, une coalition pour une IA durable et une initiative de « clarification » de la gouvernance mondiale de l’IA.
Après le sommet de Londres, centré sur la sécurité et les risques liés à l’IA, vous voulez mettre en avant les « opportunités ». Les conversations autour de cette technologie sont-elles trop négatives ?
Dans le monde, le discours principal que j’entends au cours de mes voyages c’est plutôt une peur de voir l’IA faite par d’autres, et de ne pas pouvoir se l’approprier. Cette crainte est autre chose que la peur de la fin du monde.
Plus largement, dans la conversation globale, il y a de tout : des discours alarmistes de type science-fiction, des discours promettant que l’IA va tout résoudre… L’IA, comme toutes les technologies, comporte des risques, mais aussi des opportunités. L’ambition de notre sommet « pour l’action » sur l’IA, c’est d’agir contre les risques et surtout d’agir pour maximiser les bénéfices partagés. Nous souhaitons créer les « communs » de l’IA.
Précisément, l’un des cinq thèmes du sommet est consacré à l’« IA pour l’intérêt général », et vise à produire ces « communs ». Qu’est-ce, concrètement ?
Cela répond à la crainte de voir les IA développées principalement par de grandes entreprises privées, en anglais et avec une certaine vision du monde. Il y a une attente de quelque chose de plus partagé et de moins concentré.
Concrètement, les « communs », ce sont, par exemple, des bases de données scientifiques. La génération de nouvelles structures de protéines en 3D – étudiées par les Prix Nobel de chimie 2024 Demis Hassabis et John Jumper, dirigeants de la filiale de Google, DeepMind – a été rendue possible par l’IA. Mais aussi, par la base de données des protéines déjà décodée et alimentée par l’Europe, le Japon ou les Etats-Unis.
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