LA LISTE DE LA MATINALE
Décembre. Mois où l’on fait un sort aux petits chocolats des calendriers de l’Avent. Mois où il n’est plus possible d’éviter le fromage à raclette quand on fait ses courses. Mais aussi, mois où les passionnés de jeux vidéo s’écharpent pour décerner le prix de la meilleure expérience vidéoludique de l’année, plus couramment désignés comme les « GOTY » (Games of The Year) sur Internet. Le service « Pixels » du Monde n’a donc pas dérogé au plaisir de faire la liste de ses coups de cœur et s’est fixé la mission (difficile) de n’en garder que dix.
2022 n’a, en effet, pas manqué de sensations inattendues, comme Wordle (en réalité lancé en décembre 2021) ou Vampire Survivors, deux succès mondiaux créés par des développeurs de façon amateur, et d’œuvres exigeantes (Elden Ring). Il y avait aussi de belles têtes de gondole (un nouveau God of War : Ragnarök, Pokémon Violet et Pokémon Ecarlate), en dépit des douloureux reports à 2023 de The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom et Starfield.
Le plus envoûtant : « Elden Ring »
Les jeux de rôle du studio japonais FromSoftware ont, dit-on, les défauts de leurs qualités : en mettant l’exigence et la précision au centre de leur proposition ludique, ils replacent les joueurs au cœur d’aventures dont ils étaient devenus simples spectateurs. Cette difficulté laissait cependant sur la touche les joueurs les plus occasionnels. Et puis Elden Ring est arrivé et quelque chose d’étrange s’est passé : est-ce dû à son monde ouvert merveilleusement intrigant ? Ou au fait que les joueurs, lassés des productions trop tièdes, étaient prêts pour la radicalité de FromSoftware ? En tout cas, la philosophie des Japonais a cette fois (massivement) rencontré son public, au point de faire d’Elden Ring l’un des jeux les mieux vendus de l’année.
Le plus addictif : « Vampire Survivors »
On peut se pâmer devant les décors sublimes d’Elden Ring ou la fluidité de Marvel’s Spider-Man Remastered. Mais que vaut toute cette technique face à l’efficacité de Vampire Survivors, l’un des succès les plus inattendus de 2022 ? Ouvertement inspiré d’un jeu pour smartphone (Magic Survival) et créé par un développeur sur son temps libre, il se révèle très facile d’accès. On y dirige un personnage (les attaques se font automatiquement) qui doit survivre une demi-heure tout en étant assailli d’ennemis toujours plus nombreux et plus forts. Gagner des niveaux permet de débloquer de nouvelles armes, de les faire évoluer et tester différentes combinaisons. Un concept simplissime et un résultat addictif.
Le plus conceptuel : « Immortality »
Impossible de prendre le contrôle de la protagoniste d’Immortality : le dernier titre du Britannique Sam Barlow est constitué d’extraits de films. Trois longs métrages imaginaires, dont les scènes sont présentées dans le désordre. Ce puzzle cinématographique a pour but de comprendre les raisons de la disparition de son actrice principale, Marissa Marcel. Mais cette enquête, qui se passe sur une table de montage vidéo, fait peu à peu place à un récit conceptuel, ouvertement inspiré des films de David Lynch. Son final ne manquera pas de dérouter. Sa beauté ne se révèle qu’aux acharnés qui soulèveront patiemment toutes les strates de cette poupée russe vidéoludique.
Le plus malin : « The Case of the Golden Idol »
Un homme met la main sur une statuette confisquée à un peuple lointain et un peu magicien. Mais un autre la lui vole. Celui-là s’en sert pour mettre le feu à une troisième personne, au cours d’une réunion familiale chez le notaire, consécutive à la mort d’un quatrième larron. Il y aura douze meurtres en tout, qui rythmeront des décennies d’intrigue et mèneront la Grande-Bretagne du XVIIIe siècle sur la voie d’une république robespierrienne teintée d’ésotérisme. Mais qui sont ces gens ? Que font-ils ? Et pourquoi ? The Case of the Golden Idol n’est pas tant une fresque pseudo-historique qu’un jeu d’enquête minutieux, dans lequel on est invité à observer à la loupe les scènes de crime figées dans le temps, pour identifier les suspects puis reconnaître les coupables.
Le plus brutal : « God of War : Ragnarök »
Retour en terre nordique pour le dieu grec Kratos. Flanqué de son fils, désormais en pleine crise d’adolescence, le guerrier bodybuildé affronte la colère d’Odin, Thor ou Freya. Pour survivre, le duo mène une rébellion sanglante contre les impitoyables dieux scandinaves et affronte leurs armées monstrueuses dans des combats ébouriffants. Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas vu un blockbuster qui réussissait à frapper aussi fort techniquement tout en maintenant de grandes ambitions narratives. Cette fresque sanglante se paye même le luxe de tutoyer les sommets du précédent God of War, déjà auréolé de nombreux titres de jeux de l’année en 2018.
Le plus fou : « Neon White »
Avis aux amateurs d’excès de vitesse, Neon White est un jeu qui se parcourt pied au plancher. Cet hommage au « speedrun », discipline qui consiste à finir des jeux vidéo le plus vite possible, nous impose de traverser dans un temps limité des niveaux truffés d’obstacles et d’éliminer au passage les démons qui l’infestent. A la fois jeu de réflexe, de course, de cartes, de tir mais aussi parodie de roman graphique, Neon White brouille les frontières des genres habituels du jeu vidéo. Il nous offre notre plus folle virée de 2022, sans pour autant finir dans le décor.
Le plus rageant : « Overwatch 2 »
Vous êtes soigneur, votre tank charge dans la mêlée sans réfléchir, tous les tirs sont concentrés sur lui, alors que votre tireuse d’élite est aux fraises, que vous avez un ennemi sur vous et aucune couverture. Ce scénario typique du jeu de tir compétitif en équipe Overwatch 2 a deux issues : si vous parvenez à sauver la vie de votre tank et remporter le combat héroïquement, vous exultez et relancez une partie, si en revanche vous perdez, vous accablez le studio Blizzard sur cinq générations, et rappelez qu’Overwatch 2 est quasiment une copie conforme du premier jeu – sans oublier de préciser que l’aventure « solo » promise se fait toujours attendre. Puis vous relancez une partie parce que vous êtes accro.
Le plus historique : « Pentiment »
Andreas Maler porte bien son nom tant il semble attirer les problèmes. Peaufinant paisiblement sa formation d’artiste dans une abbaye bavaroise au début du XVIe siècle, le jeune intellectuel traque un meurtrier. Pentiment a beau se présenter comme un jeu d’enquête policière, ce titre est plutôt une expérience littéraire interactive tant il repose sur de longs dialogues à choix multiple. Nous rencontrons ainsi une trentaine de personnages sur près de quatre décennies. En résulte le portrait passionnant d’une ville bouleversée par le passage du Moyen Age à la Renaissance. Parfois austère, Pentiment brille par son humour décalé, sa réflexion sur l’histoire et ses visuels inspirés des manuscrits.
Le plus anxiogène : « A Plague Tale : Requiem »
Des rats partout. Des cadavres putréfiés qui répandent leurs entrailles sur le sol. Des villes mises en quarantaine par des soldats agressifs. Au milieu de scènes d’horreur se déroulant dans une France secouée par la peste noire et la guerre de Cent Ans, deux enfants. Amicia et Hugo ne rechignent plus à tuer pour survivre dans cette suite plus sombre et fascinante que le premier épisode, sorti en 2019. Malgré des combats peu évidents, le jeu bénéficie de personnages aussi attachants que torturés, de courses-poursuites impressionnantes et de séquences d’infiltration durant lesquelles notre cœur a souvent battu la chamade.
Le plus profond (littéralement) : « Dome Keeper »
Inspiré sans doute de Dig Dug, en passant par Dungeon Keeper, Mr. Driller, I Dig It, Minecraft et SteamWorld Dig, sans oublier les jarres de sable de Super Mario Bros 2, ce jeu vidéo sort des sentiers battus en creusant son propre chemin, à la recherche, ici d’un trésor, là d’une sortie. Dans Dome Keeper, on cherche des ressources dans les souterrains d’une planète extraterrestre, et, une fois revenu à la surface, on les investit dans des systèmes de défense et de contre-attaque pour repousser des vagues de monstres de plus en plus menaçantes. Pas aussi dur qu’il en a l’air, Dome Keeper se termine vite et se recommence aussi sec, pour le plaisir de débloquer de nouveaux modes de jeux.