La production d’électricité a été au coeur des préoccupations de l’hiver 2022 / 2023. En cause, une production nucléaire plus faible que prévue du fait des problèmes de fissures liées à la corrosion sous contrainte dans les installations de certaines centrales qui a fait chuter la production nucléaire et craindre de ne pas résister aux pics de consommation hivernaux.
La France a retenu son souffle au gré du risque de coupures d’électricité envisagé à l’entrée de l’hiver. La météo a toutefois été très favorable (avec un pic de chaleur en plein mois de décembre) et le scénario catastrophe a été évité. L’Hexagone a même pu commencer à exporter de nouveau son électricité vers les autres pays européens.
La production d’électricité a été historiquement faible l’an dernier et va lentement s’améliorer, sous réserve que de nouveaux obstacles ne se dressent pas, dans le nucléaire comme dans les énergies alternatives.
Et pourtant, annonce le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité RTE, la France va avoir besoin d’énormément d’électricité ces quinze prochaines années pour accompagner l’évolution de l’industrie vers la décarbonation et des usages grand public, à commencer par la migration vers la voiture électrique.
La décarbonation à l’épreuve de la production électrique
De 460 TWh consommés en 2022, RTE estime que la demande pourrait atteindre entre 580 et 640 TWh en 2035, en fonction des objectifs industriels et des efforts de sobriété énergétique.
La valeur la plus basse de la fourchette était jusque là l’estimation la plus forte de la précédente anticipation de RTE, dans le cas d’une transformation en profondeur de la France.
La correction à la hausse des besoins en électricité s’inscrit dans le durcissement du programme européen de réduction des émissions de CO2 Fit for 55 qui prévoit une réduction de 55% des émissions en Europe par rapport aux niveaux des années 90 qui impose une décarbonation accélérée de l’industrie.
Et il faudra trouver dans le même temps des énergies alternatives substituables au gaz et au charbon et disponibles en quantité suffisante pour générer assez d’électricité pour assurer cette transformation.
Par ailleurs, le passage à la motorisation électrique pure à partir de 2035 en Europe va nécessiter de disposer de ressources électriques suffisantes pour assurer les déplacements des Français.
Avec ces différentes perspectives, la croissance de la demande en électricité devrait progresser de 10 TWh par an durant la décennie 2025 à 2035, ce qui représente un énorme défi.
C’est possible mais…
Pour autant, RTE estime que rien n’est perdu et qu’une augmentation des capacités de production d’électricité capable d’absorber la demande est réalisable. L’ambition est de parvenir à produire au moins 600 TWh d’énergie bas carbone d’ici 2035, et si possible d’atteindre 650 TWh.
Pour y parvenir, il va falloir une volonté politique forte pour atteindre plusieurs objectifs :
- améliorer la production nucléaire existante en attendant les nouvelles centrales EPR 2 (qui ne seront pas disponibles avant le milieu des années 2030 au mieux)
- augmenter très rapidement la part des énergies renouvelables en doublant les capacités de production (essentiellement solaire et éolien) pour atteindre 250 TWh en 2035 (contre 120 TWh actuellement)
- maintenir et développer une stratégie de sobriété et d’économie énergétique qui permettra de moduler l’augmentation de la demande
Le point sensible du programme prévisionnel de RTE concerne surtout la capacité à doubler la production d’énergies renouvelables tout en maintenant une stratégie nucléaire qui conserve la part du lion dans la production énergétique française.
Un rapport de la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes) et de l’Ademe indiquait en début d’année que la trajectoire de progression des capacités de production d’énergies renouvelables en France étaient en retard par rapport aux projections jusqu’à 2030. Il va donc falloir cravacher.
Pour ce qui est de la sobriété et des économies, il reste à voir jusqu’où les Français seront prêts à aller dans les « changements de modèle de vie » (habitat, usage de la voiture…) qui permettraient d’atteindre plus vite la neutralité carbone. La discussion ne fait que commencer mais promet d’être houleuse.