Ce candélabre équipé de LED dont la luminosité est réglable héberge également des capteurs de présence pour gérer le stationnement. « Le renouvellement des candélabres a été la porte d’entrée des autres capteurs » indique Christophe Béchu, maire d’Angers et président de la collectivité Angers Loire Métropole.
A Angers, la transition écologique et la transformation numérique du territoire passent d’abord par les lampadaires. Depuis 2020, les élus s’efforcent de mettre sur pied un ambitieux projet de territoire intelligent qui veut toujours, à l’heure où Donald Trump marie IA et charbon, lier technologie et écologie.
« La colonne vertébrale du projet a été l’éclairage public » dit Christophe Béchu, maire d’Angers et président de la collectivité Angers Loire Métropole. Et d’expliquer que si le remplacement des lampes classiques par la technologie LED a sensiblement fait baisser la facture, c’est l’optimisation de l’éclairage qui a aussi permis d’assurer une meilleure reproduction des chauve-souris, très sensibles à la pollution lumineuse.
Une optimisation pilotée à distance depuis un centre de contrôle, comprenez une immense carte numérisée du territoire, où les opérateurs peuvent ajuster l’éclairement au sol de 30000 points lumineux en fonction de la noirceur de la nuit, ou de la présence ou non de personnes sur la voie publique.
« Sans augmenter les impôts »
Bilan, 60% de réduction de la puissance sur l’éclairage public. Et la facture énergétique de la collectivité qui n’a pas été plombée par les récentes crises des prix. Mais à quel coût d’investissement ?
Le marché public global du projet de transition a été passé sur une période de 12 ans. Il porte sur un montant de 127 millions d’euros, « sans augmenter les impôts » précise l’élu. Plus de la moitié de ce budget a déjà été consommé.
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Désormais dans sa phase 3, le projet de territoire connecté voit le déploiement des premiers outils et services et un début de communication vers les habitants.
« 50 % du financement du projet était de la dépense contrainte de renouvellement de matériel et d’éclairage. Au final, sur un budget annuel de 600 millions par an, cela représente un investissement de 10 millions d’euros dans le territoire intelligent par an. Donc ce n’est pas un gros budget ». La collectivité dit avoir économisé 15 millions de kWh sur la consommation d’électricité depuis 2020.
« Les candélabres, porte d’entrée des autres capteurs »
Surtout, « le renouvellement des candélabres a été la porte d’entrée des autres capteurs » dit Christophe Béchu. Car ce sont sur les mâts de l’éclairage public que sont désormais positionné des outils de mesure des pollens (pour les allergies) ou encore des capteurs IoT de comptage et de présence pour réguler le trafic automobile et le stationnement. L’ancien ministre de l’écologie assure que 10% de la consommation d’essence est engloutie par la simple recherche de place de parking par les automobilistes.
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Des capteurs IoT de présence pour réguler le stationnement.
Mais pour parvenir à ces premiers cas d’usages il a fallu bâtir un « socle technologique » capable de collecter et d’analyser les données numériques, afin de piloter.
Dans un local anonyme de la ville, une salle couverte d’écran de contrôle permet de visualiser en 2D comme en 3D l’intégralité du territoire de la collectivité, soit 29 communes sur une superficie de 667 km².
L’hyperviseur et le jumeau numérique, piliers du centre de pilotage
Deux outils de visualisation et de prise de décision, un hyperviseur et un jumeau numérique, sont les piliers numériques du lieu. Y sont connectés 56000 objets.
A date, 15 personnels de la collectivité et des sous traitants locaux travaillent à alimenter en données et à analyser les informations fournies par ces outils.
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Vue de l’hyperviseur où sont affichés des équipements connectés.
« L’humain reste au cœur de ce dispositif, c’est lui qui pilote l’ensemble de nos équipements » assure Guillaume Cesbron, responsable du centre de pilotage d’Angers Loire métropole. La montée en compétence s’est aussi traduite par la formalisation de nouveaux métiers, assez atypiques pour une collectivité, comme celui de RSSI et de data analyste.
L’hébergement des données lui a lieu dans une salle dédiée. Après avoir prospecté du côté d’AWS, l’exécutif a préféré confier cette tâche à Docapost.
50 To de données brutes pour un jumeau numérique
Le jumeau numérique – sorte de Google Earth maîtrisé et gouverné par la collectivité – est une maquette 3D dynamique du territoire. Le plan cadastral et les flux (eau, électricité,…) y ont été intégré.
Sa réalisation a été le fruit d’un gros travail préparatoire de 5 ans, à base de remontée d’information déjà stockées dans le SIG (Système d’Information Géographique), ou de données de partenaires, comme le Giec. Mais aussi avec une campagne de prise de vue aérienne avec un Lidar. De quoi s’assurer d’une précision de la carte à 6 centimètres près.
123 000 bâtiments ont été modélisés, et au total, ce sont 50 To de données brutes qui ont été collectées pour le construire. 1 To de données sont utilisé pour les données de visualisation.
Réaménagement urbain et gestion des inondations
« Construire ce socle technologique a été un travail long et difficile » dit Constance Nebbula, vice-présidente d’Angers Loire Métropole chargée du Territoire intelligent. Mais ce chantier colossal permet de tester et de déployer désormais des cas d’usage réel.
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Schéma du socle digital et de ses usages, affiché dans les locaux de la collectivité locale.
Une de ses utilisations est de simuler le réaménagement urbain. L’impact de la construction d’un éco quartier par exemple peut-être simulé sur le jumeau numérique pour en comprendre à l’avance l’incidence sur les réseaux et le bâti déjà existant.
Une autre ambition des concepteurs de ces outils est de mieux appréhender la gestion des inondations pour une agglomération à la confluence de la Loire et de la Maine, un fleuve et une rivière dont les cours peuvent être plus que capricieux. Autre exemple, la modélisation des angles de prises de vue des caméras de vidéo surveillance dans l’espace public. Ou encore celui des flux radio des antennes.
Et dans une perspective d’utilisation plus large de ces données, la collectivité se rapproche de l’Ademe pour alimenter l’agence avec des données de terrain.
Un outil de médiation pour les citoyens
Mais le président de la collectivité voit plus loin.
« Le temps des techniciens est bientôt fini et le temps des citoyens va commencer » assure Christophe Béchu.
Une version du jumeau numérique va être proposée au grand public dans le cadre d’un forum. « Je veux en faire un outil de médiation pour les citoyens » dit-il.