Le numérique a transformé nos vies. Si nous sommes nombreux à adopter avec enthousiasme les services et les objets qui l’accompagnent, nous sommes tout aussi nombreux à nous inquiéter du pouvoir que prennent des grandes plates-formes de la Toile, de la surveillance massive des citoyens par des Etats parfois même démocratiques, entre autres effets pernicieux. Les pouvoirs tant publics que privés cherchent à s’approprier ce fantastique jouet pour le mettre à leur service. N’avons-nous pas d’autre solution que d’accepter le contrôle total du numérique par le privé ou le public ? Il en existe pourtant une : les « communs numériques ».
Nous allons regrouper sous ce drapeau de superbes réussites du numérique comme Wikipédia et ses millions d’articles, les logiciels libres, les quelque 40 000 jeux de données ouverts publiés sur Data.gouv.fr, les millions d’articles scientifiques en accès libre, mais aussi Internet et le Web eux-mêmes.
Depuis toujours, les humains ont appris à gérer collectivement des ressources, comme les poissons d’un étang communal. Avec un « laisser-faire » total, quelqu’un pourrait pêcher tous les poissons du lac et en priver les autres. Alors, on fait du lac un commun, en établissant des règles pour préserver la ressource. C’est le point de départ de cette notion, étudiée par l’économiste américaine Elinor Ostrom (1933-2012, prix Nobel d’économie en 2009). Donnons-en la définition de Wikipédia : « Les communs sont des ressources partagées, gérées et maintenues collectivement par une communauté ; celle-ci établit des règles dans le but de préserver et pérenniser ces ressources tout en fournissant aux membres de cette communauté la possibilité et le droit de les utiliser, voire, si la communauté le décide, en octroyant ce droit à tous. »
Consommation et contribution
Les pâturages, les rivières ou les bois sont des ressources rivales : si je pêche un poisson, c’est un poisson de moins pour la communauté. Dans le numérique, les ressources sont non rivales : si je fais une copie nouvelle d’un logiciel, cela ne diminue pas l’accès d’autres personnes à ce logiciel ; on peut en faire des millions de copies. Cette non-rivalité est à la base du succès de l’idée d’installer des communs dans le monde numérique. Mais pas uniquement : le numérique facilite également le travail collaboratif, les échanges entre les personnes à des niveaux encore inconcevables dans le monde d’avant. La vie de la communauté et la gestion collective des ressources sont donc facilitées par le numérique.
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