La constellation européenne de satellites a du plomb dans l’aile. Cette couverture orbitale censée donner au vieux continent sa souveraineté face à Starlink pourrait prendre du retard sur le calendrier. En cause : un budget qui a explosé et des bisbilles entre la France et l’Allemagne.
En février 2022, juré-craché c’était la bonne : la Commission européenne approuvait un projet de constellation de satellites pour recouvrer une souveraineté spatiale mise à mal par Starlink. Ce programme, baptisé IRIS² (Interconnectivity and Security by Satellite), doit assurer un accès internet ultra-sécurisé par satellite en Europe ainsi qu’en Afrique.
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Cette constellation est censée émettre dès 2027, ce qui implique de mettre au diapason les entreprises qui travailleront ensemble — dont Airbus Defence and Space, Thales Alenia Space, et Arianespace — avec les autorités, dans le cadre d’un partenariat public-privé. Mais l’attribution du contrat au consortium, qui devait avoir lieu en mars, a été repoussé à une date indéterminée.
Thierry Breton, le commissaire au marché intérieur qui a pris en charge ce dossier, a indiqué qu’un « comité indépendant » travaillait à un « processus d’évaluation », sans annoncer de date quant à la conclusion de ces travaux. Le programme IRIS² n’est pas au bout de ses peines. La publication allemande Handelsblatt révèle que le budget a tout simplement doublé depuis son annonce : de 6 milliards d’euros, il est passé à 12 milliards.
De quoi déjà faire tiquer en ces temps de disette pour les finances publiques. Un autre souci est la nature du contrat : ni Airbus ni Arianespace n’ont vraiment l’habitude d’investir des fonds dans ce type de projet public-privé, ce qui leur permet en retour de commercialiser des services ; habituellement, les États passent commande auprès de ces entreprises pour leurs services.
Il se pose aussi une difficulté d’ordre logistique : l’Union européenne n’a pas encore d’équivalent du Falcon 9 de SpaceX, ni de capacité de production rapide de centaines de satellites pour le moment. Le lanceur Ariane 6 a quatre ans de retard, avec un vol inaugural maintenant programmé entre la mi-juin et le 31 juillet. Et le retard pris dans l’attribution du contrat ne va pas aider à accélérer la fabrication des satellites.
Pour ne rien arranger, il y a de l’eau dans le gaz entre la France et l’Allemagne, les deux principaux financiers de l’opération. En mars dernier, le ministre allemand aux Affaires économiques, Robert Habeck, a exhorté Thierry Breton à ne pas prendre de décisions hâtives sur le projet, et demandé à ce que le planning soit revu en conséquence.
Si une constellation de satellites est plus que jamais une nécessité pour l’Europe, la lettre fait aussi mention de tensions entre les deux pays. Berlin semble ainsi reprocher à Paris le choix des sous-traitants, la plupart étant basés dans l’Hexagone (même si les opérations d’IRIS² seront ensuite gérées depuis l’Italie). Bref, un bel embrouillamini qui n’augure rien de bon pour une mise en œuvre rapide de cet accès internet souverain.
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Source :
Handelsblatt