« Si ces recommandations sont mises en œuvre, elle risquent de nuire au marché des télécommunications au lieu de le stimuler ». Le collectif MVNO Europe, qui regroupe les opérateurs mobiles virtuels, n’a pas assez de mot assez dur pour contester à la fois le constat et les remèdes avancés par Mario Draghi.
Pour rappel, l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) appelle à une consolidation du secteur afin de faire émerger des opérateurs à l’échelle européenne en harmonisant les règles entre États-membres, en favorisant les fusions et opérations transfrontalières ou en modifiant les processus d’attribution des fréquences.
Pour MVNO Europe, présidé par le français Jacques Bonifay, cofondateur de Transatel, ce mouvement de consolidation affecterait « la concurrence ainsi que les intérêts des citoyens et des entreprises en tant qu’utilisateurs de services de télécommunications, et donc le bien-être général en Europe. »
Ne disposant pas leur réseau mobile, les MVNO (Mobile Virtual Network Operators) s’appuient sur les infrastructures existantes des opérateurs télécoms – Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR en France – en leur achetant des communications en gros puis en commercialisant leurs propres services. Une réduction du nombre d’opérateurs « physiques » limiterait mécaniquement leurs marges de négociation auprès de ces derniers.
Idées trompeuses et incohérences
MVNO Europe rejette l’association qu’elle juge « trompeuse » entre le nombre d’acteurs en Europe – 34 opérateurs mobiles et 351 opérateurs virtuels – et « la prétendue faible rentabilité du secteur européen des télécommunications et sa prétendue sous-performance ». « L’idée que l’Europe a « trop » d’opérateurs par rapport aux États-Unis et à la Chine ne tient pas compte de la valeur que la concurrence apporte au marché et déforme l’impact des politiques, des législations et des réglementations conçues pour la favoriser. »
A ses yeux le rapport de l’ancien Premier ministre italien « néglige le rôle essentiel que jouent la concurrence et une variété d’opérateurs dans l’innovation et le choix pour les consommateurs et les utilisateurs professionnels ».
Pour preuve, de nombreux États-membres de l’UE, dont la France, sont leaders dans le déploiement de la 5G et de la fibre optique, « tout en offrant choix, innovation et rapport qualité-prix aux utilisateurs ».
Un coup de pouce aux opérateurs historiques
MVNO Europe souligne les incohérences de « Super Mario » qui veut, d’un côté, aider les PME à prospérer avec moins de charges réglementaires et de, l’autre, entrave leur développement en confortant davantage la position des opérateurs historiques au détriment des challengers du marché.
Dans le même esprit, les opérateurs virtuels s’opposent aux propositions du rapport Draghi relatives au spectre, « qui bénéficieraient de manière disproportionnée aux plus grands opérateurs et limiteraient la capacité des opérateurs concurrents à rivaliser, réduisant ainsi les possibilités d’innovation ».
Le collectif en profite pour rappeler que les MVNO « contribuent de manière significative au financement de l’infrastructure en payant des redevances de gros substantielles aux opérateurs de réseaux mobiles pour l’accès au réseau ». En conclusion, ils invitent la Commission européenne et le Parlement, nouvellement élus, à examiner les recommandations de Mario Draghi « avec la prudence qui s’impose ».
Les MVNO à la peine en France
Loin de l’âge de l’or de la téléphonie mobile des années 2000 qui ont vu leur essor, les opérateurs virtuels sont la peine. En France, la vente en cours de La Poste Mobile signe la fin du dernier opérateur virtuel allongeant la liste déjà longue des MVNO naufragés ou revendus comme Virgin Mobile, Auchan Mobile ou Afone.
Selon l’observatoire des services mobiles de l’Arcep, la part de marché des MVNO s’établissait à 7,3 % fin septembre 2023 contre 11,9 % en décembre 2020.
Pouvant davantage justifier leur valeur ajoutée à travers des services additionnels, les MVNO résistent mieux sur le marché des entreprises comme le montre la longue liste des opérateurs virtuels BtoB dressée par l’Arcep.