Pour la troisième année d’affilée, le montant des fusions-acquisitions dans le secteur des télécommunications européen a baissé en 2023, avec un montant légèrement supérieur à 60 milliards d’euros. Mais ces chiffres, qui s’expliquent notamment par l’essoufflement de la grande vague des ventes d’infrastructures mobiles ou de fibre optique de la fin des années 2010, sont trompeurs.
En effet, l’univers des télécoms connaît depuis vingt-quatre mois un profond mouvement de recomposition. « Confrontées à une transformation sans précédent du secteur et à de nouvelles menaces concurrentielles, de nombreuses entreprises de télécommunications se tournent vers les fusions et les acquisitions pour se doter de nouvelles capacités et faire évoluer leurs activités en vue de la prochaine ère », explique une étude du cabinet Bain & Company publiée fin novembre 2023.
Cette transformation tient à l’explosion du trafic de données sur les réseaux télécoms, fixe (fibre optique) et mobile (4G-5G). De mois en mois, celui-ci ne cesse d’augmenter, en particulier sous l’effet de l’usage massif des plates-formes de vidéo comme TikTok, Instagram, YouTube ou Netflix. Au cours de la décennie écoulée, le trafic mobile mondial a doublé tous les deux ans, selon le dernier rapport du fabricant suédois d’équipements télécoms Ericsson, rendu public en novembre 2023. Et il pourrait encore tripler d’ici à 2029. A cet horizon, rien qu’en Europe de l’Ouest, le trafic moyen par smartphone devrait croître de 16 % par an.
Une aubaine pour les opérateurs, assurés de vendre des abonnements fixes ou mobiles pour accéder à Internet. Pourtant, rares sont ceux à avoir su correctement monétiser et valoriser cette explosion des usages. Alphabet, la maison mère de Google, vaut près de 1 800 milliards de dollars en Bourse (1 645 milliards d’euros), dix fois plus que la capitalisation cumulée des quatre plus grands groupes de télécoms européens en nombre d’abonnés (Vodafone, Telefonica, Deutsche Telekom et Orange).
Depuis des années, les opérateurs se plaignent de devoir surinvestir dans leurs réseaux pour acheminer dans de bonnes conditions le trafic généré par les plates-formes de vidéo, sans que ces dernières prennent à leur charge une partie de ces investissements. En Europe, où il est fréquent de voir plus de trois grands opérateurs par pays, la concurrence ne leur permet pas, appuient-ils, de pratiquer des tarifs en adéquation avec les usages. La remontée des taux d’intérêt ces dix-huit derniers mois, qui renchérit le coût de la dette nécessaire pour ces investissements, complique un peu plus leur équation.
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