Spécialiste de l’éthique de l’intelligence artificielle (IA), mais aussi de la vie privée en ligne et de la gouvernance d’Internet : Meredith Whittaker est tout cela à la fois. Présidente de la fondation Signal, qui soutient le développement de la messagerie éponyme, elle défend la sécurisation des conversations, à travers le chiffrement de bout en bout et l’open source. Ex-employée de Google, elle est aussi cofondatrice de l’AI Now Institute, un organisme de recherche américain consacré aux implications sociales de l’IA. Installée pour quelques mois à Paris, elle participe au salon Vivatech, organisé du 22 au 25 mai.
Depuis quelques jours, le fondateur de la messagerie Telegram, Pavel Durov, et le propriétaire du réseau social X, Elon Musk, laissent entendre – sans preuve – que Signal contiendrait des vulnérabilités dans son système de chiffrement… Que leur répondez-vous ?
Aux Etats-Unis, nous avons un mot pour ça : « bullshit » [conneries]. Il est dangereux et irresponsable de faire de telles déclarations sur une technologie qui représente un enjeu de vie ou de mort pour de nombreux utilisateurs : les défenseurs des droits humains, les journalistes, leurs sources, les lanceurs d’alerte, les personnes qui fuient des régimes autoritaires… S’ils veulent attaquer Signal, qu’ils le fassent ! Mais sans dénigrer une technologie vérifiée et validée par de nombreux experts depuis plus d’une décennie, parce qu’elle est open source.
En France, le chiffrement de bout en bout est critiqué : le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, voudrait imposer aux plates-formes la création de portes dérobées, permettant aux forces de l’ordre d’accéder aux contenus chiffrés. Les polices européennes tiennent le même discours. Cela vous inquiète-t-il ?
Cela fait des décennies que des responsables politiques rêvent qu’une baguette magique leur permette d’accéder aux contenus chiffrés sans compromettre la sécurité des communications, utile pour les défenseurs des droits humains mais aussi les entreprises, les gouvernements… Malheureusement, il n’y a pas de baguette magique. L’écart entre ces désirs politiques et les réalités techniques est énorme.
Leur argument est que le chiffrement de bout en bout nuit aux enquêtes, retient les forces de l’ordre d’accéder à des preuves, d’empêcher des crimes… Que répondez-vous ?
Ces arguments existent depuis des décennies et persistent, bien que notre époque connaisse une surveillance de masse sans précédent. Les forces de l’ordre n’ont jamais eu accès à autant de données. Au point que ça leur pose problème, car il faut être en mesure de les traiter et d’en tirer du sens.
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