La courbe s’est inversée. Pour la première fois depuis quinze ans et l’avènement du smartphone, le marché mondial du jeu vidéo mobile a vu ses revenus décroître en 2022. Le secteur, qui était jusqu’ici la branche la plus prolifique de la première industrie culturelle, a observé un déclin de 6,4 % par rapport à l’année précédente, selon un rapport du cabinet spécialisé Newzoo. Si elles restent élevées, ses recettes annuelles évaluées à 92,2 milliards de dollars (86,22 milliards d’euros) mettent fin à une longue série d’années de croissance, laquelle a été exacerbée en 2020 (+ 25,6 % sur un an) et 2021 (+ 7,3 %) alors que la pandémie de Covid-19 avait amplifié la consommation de jeux vidéo sur la plupart des supports.
L’une des raisons avancées par les experts pour expliquer ce revirement : la mise en œuvre, ces derniers mois, de nouvelles restrictions en matière de suivi publicitaire qui ont mis à mal le modèle économique des éditeurs de jeux vidéo pour mobiles, essentiellement basé sur la publicité ciblée.
Un vent de confidentialité sur le marché de l’application mobile
En avril 2021, Apple ouvre les hostilités et lance l’App Tracking Transparency (ATT) avec la mise à jour 14.5 de son système d’exploitation iOS. Cette fonctionnalité demande à ses utilisateurs s’ils acceptent ou refusent, application par application, un suivi publicitaire. « Avant cela, sur les appareils iOS, chaque application avait un accès par défaut à un identifiant unique par utilisateur qui s’appelle IDFA [IDentifier For Advertisers] et qui permet aux régies publicitaires travaillant avec les éditeurs d’applications de construire des profils d’utilisateurs », explique Pierre Laperdrix, chercheur au CNRS et coauteur d’une étude en 2022 sur les traceurs présents dans les jeux vidéo mobiles.
En mars 2022, le taux de joueurs ayant refusé ce suivi publicitaire était de 54 % dans le monde et de 49 % en France, selon AppsFlyer
L’intérêt des IDFA : proposer aux utilisateurs des publicités personnalisées en fonction de croisements d’informations collectées grâce à diverses applications et évaluer précisément l’efficacité d’une campagne publicitaire. Mais avec l’ATT d’Apple, les éditeurs de jeux sur iOS ont désormais besoin, pour collecter l’identifiant publicitaire d’un joueur, de son consentement explicite. En mars 2022, selon un rapport de la société AppsFlyer, le taux de joueurs ayant refusé ce suivi publicitaire était de 54 % dans le monde et de 49 % en France.
Moins pressé de restreindre le suivi publicitaire de ses utilisateurs, car beaucoup plus dépendant de la publicité, Google, dont le système d’exploitation Android équipe plus de 70 % des smartphones de la planète, s’apprêterait cependant à emboîter le pas à Apple. Sa maison mère, Alphabet, a présenté, mardi 14 février, le déploiement en version bêta de son projet Privacy Sandbox. Dans une note de blog, Anthony Chavez, cadre de Google, évoque « de nouvelles APIs [interfaces de programmation d’applications] en mettant au centre la vie privée et n’utilisant pas d’identifiants capables de tracer votre activité à travers des applications et des sites Web ».
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