L’intelligence artificielle (IA) est partout, pour remporter des victoires au jeu de go, piloter des voitures, discuter avec les humains, créer des illustrations… Et maintenant pour aider les astronomes. Depuis des années, ces derniers utilisent ces techniques pour classer automatiquement les différents types de galaxies, ou pour repérer des exoplanètes perturbant le flux lumineux de leur étoile. Désormais ces méthodes s’insinuent au cœur même des télescopes.
« L’apprentissage profond, ou deep learning, est devenu classique dans notre discipline pour l’exploitation des données. Mais demain il servira pour faire marcher les télescopes, prévient Damien Gratadour, chercheur CNRS au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Lesia, Observatoire de Paris et Paris-Sciences et lettres) à Meudon, dans les Haus-de-Seine. Les futurs instruments seront même si complexes que l’IA sera sans doute nécessaire pour les utiliser. »
Depuis quatre ans, ce chercheur est plongé dans les algorithmes pour éviter que lui et ses collègues se retrouvent démunis quand le futur Extremely Large Telescope (ELT) au Chili et son miroir de 40 mètres ou le radiotélescope SKA et ses 130 000 antennes en Afrique du Sud et en Australie seront à plein régime pour les années 2030.
« Nos premiers résultats obtenus depuis le printemps sur le télescope Subaru à Hawaï sont encourageants », indique le chercheur, qui a commencé à déployer ses programmes sur une technique indispensable pour les observations terrestres, l’optique adaptative. Cette dernière utilise un miroir dont la surface est déformable grâce à des milliers d’actionneurs, afin de compenser les turbulences de l’atmosphère qui floutent les images. Le principe est « simple » : un analyseur mesure les faibles différences entre le faisceau lumineux reçu du ciel et une référence, puis un ordinateur calcule les commandes afin d’annuler ces écarts, en créant des creux et des bosses par des déplacements de quelques micromètres. Le tout en moins d’une milliseconde, qui est le temps caractéristique de variation des perturbations.
Fonctionnement par essai/erreur
Mais plus il y a d’actionneurs, plus il faut de calculs, tout en restant dans la fenêtre très courte de temps. Et plus on veut être précis, plus il faut compenser des perturbations très rapides ou très faibles. C’est là que les techniques actuelles trouvent leur limite. « Pour le télescope au Chili, Very Large Telescope (VLT), nous devons contrôler entre 200 et 1 600 actionneurs. Pour le prochain, l’ELT, au miroir principal cinq fois plus grand, la complexité sera vingt-cinq fois plus grande, avec jusqu’à 40 000 actionneurs pour les instruments les plus complexes », rappelle Damien Gratadour.
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