Riley, trentenaire désabusée et biologiste en environnement, retourne dans sa ville natale, Camena, sur l’insondable et mystérieuse île d’Edwards. Elle a pour mission d’enquêter sur de curieux signaux radiofréquence inexpliqués. Très vite, elle assiste à la formation d’un immense trou dans le ciel triangle bioluminescent qui se découpe dans la nuit. Quelque chose cloche : la voilà propulsée quelques minutes en arrière. Ce bond dans le temps n’est que le premier d’une longue série : à l’aide d’une radio, Riley est capable d’ouvrir des failles temporelles et d’y pénétrer, ce qui donne lieu à quelques énigmes, courtes mais pertinentes, autant d’incursions de plus en plus franches dans le domaine de l’horreur à mesure que l’on progresse sur l’île.
Le sentiment d’une menace grandissante s’y fait sentir. Comme il nous faut rejoindre les points culminants de l’île pour y placer des transmetteurs radios, Oxenfree II: Lost Signals (disponible sur tous supports) est principalement construit autour de longues séquences de marche en compagnie de Jacob, ancien camarade de lycée de Riley, perdu de vue depuis. Ils vont ainsi se découvrir mutuellement à travers une version bavarde de ce que certains appellent un simulateur de marche. C’est la beauté principale du jeu, cette manière qu’il a de nourrir des réflexions intimes au rythme des déplacements des corps, à travers les forêts, les grottes et les plages. La promenade n’est pas une béate extase mais un moyen de faire bouillonner les pensées, de se confronter à soi, de se creuser les méninges sur l’existence. A l’occasion de la traversée d’un simple pont, on se retrouvera ainsi à se questionner sur des sujets aussi intimes que l’opportunité de préférer la vie éternelle à la disparition en bonne et due forme dans le néant.
Oxenfree II poursuit dans la même veine que son prédécesseur, avec son système de conversation à bâtons rompus. Dans les dialogues, en temps réel, il faut ainsi réussir à se faire une place, choisissant parmi trois propositions de dialogue qui disparaîtront rapidement, quitte à couper la parole ou à rester silencieux. Une mécanique de jeu qui transforme la flânerie de la randonnée en expérience cérébrale active et révélatrice, embrumée dans des problèmes surnaturels géants. L’excursion devient un moyen de faire naître sous nos yeux une véritable amitié entre les deux personnages. Des liens se tissent tandis que l’outre-monde s’invite de plus en plus férocement.
Radiographie
Outre les autres personnages rencontrés sur l’île, qu’ils appartiennent au présent, au passé, au futur, au monde des vivants ou au monde des morts, des inconnus s’invitent dans notre voyage avec un talkie-walkie qui nous permet de recevoir des appels sur les ondes. Libre au joueur d’engager ou non la conversation, de l’interrompre ou la poursuivre. Ces rencontres sonores interviennent comme des quêtes annexes et sont fascinantes à suivre car elles étoffent la vie de l’île, insufflent à ces lieux sinistres une humanité bienvenue. Des voix qui viennent habiller le récit de leurs réflexions, qu’elles soient triviales ou intenses. Au détour d’un sentier, abandonnée sur le sol d’une vieille cabane, traîne une note : « N’écoutez pas les murmures à la radio. Ces choses que vous entendez la nuit ne sont que des rêves orphelins à la recherche de quelqu’un à effrayer, à hanter. » Une mise en garde autant qu’invitation à passer outre.
Car écouter les murmures à la radio, c’est précisément ce qu’on entreprend de faire tout au long de l’aventure. Chercher dans les ondes parasites les moindres traces de fantômes, de contes et de mystères. La radio est l’objet magique qui relie les mondes et les fait se télescoper. Oxenfree II est ainsi travaillé par un double mouvement : à mesure que des mystères se résolvent, d’autres s’épaississent. L’île d’Edwards vit et remue au rythme d’insaisissables secrets, les forêts brassent les spectres, les morts, les adolescents et les portails temporels. Chopée sur une onde aléatoire, une voix métallique susurre « la vie est un océan de lumière et de ténèbres ».
On sort groggy de cette perpétuelle confusion des temporalités et des réalités, au terme d’un voyage qui se déroule sur une nuit complète. Sous les néons et la pluie, à un arrêt de bus déserté, l’aube nous répond alors qu’il vaut mieux s’adresser aux morts qu’aux dieux. Si la nuit est blanche, c’est qu’elle est peuplée de fantômes.
L’avis de Pixels en bref
On a aimé :
- les nombreux et fascinants mystères qui peuplent l’île ;
- des séquences de marche et de dialogues passionnantes.
On n’a pas aimé :
- quelques très rares ventres mous.
C’est plutôt pour vous si…
- vous vous demandez où va votre vie ;
- vous aimez les randonnées et les fantômes ;
- vous avez un abonnement Netflix (le jeu est gratuit sur l’application).
Ce n’est plutôt pas pour vous si…
- vous n’aimez pas lire ;
- vous êtes un animal diurne.
La note de Pixels :
92.8/108 MHz, la fréquence de radio idéale pour vos nuits.