Meta va utiliser vos données personnelles sur Instagram et Facebook pour entraîner son IA (sauf si vous refusez)

Meta va utiliser vos données personnelles sur Instagram et Facebook pour entraîner son IA (sauf si vous refusez)


Les utilisateurs européens des réseaux sociaux Facebook et Instagram ont reçu, ces derniers jours, une notification les informant qu’à partir du 26 juin, leurs données pourront être utilisées « pour développer et améliorer l’intelligence artificielle (IA) de Meta », la maison mère de ces deux plates-formes.

Jeudi 6 juin, l’association viennoise None of your business (NOYB), spécialiste de la protection des données personnelles, a déposé plainte auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), ainsi que de ses équivalents dans dix autres pays européens. Elle dénonce une utilisation « illégale » de ces données et demande aux gendarmes de la vie privée d’intervenir « en urgence » pour empêcher l’application de ce nouveau règlement.

Qu’impliquent concrètement ces changements pour les utilisateurs européens de Meta ? Explications.

Pourquoi Meta s’intéresse-t-il à nos données pour l’IA ?

Dans un communiqué publié le 22 mai, l’entreprise de Mark Zuckerberg a expliqué son intention de proposer, d’ici la fin de l’année en Europe, « de nouvelles expériences d’IA générative » au sein de ses applications, déjà disponibles dans d’autres zones géographiques. Mais pour cela, dit-elle, ces produits basés sur l’IA « doivent être entraînés sur des informations qui reflètent la diversité des cultures et des langues des communautés européennes qui les utiliseront ».

Pour fonctionner, les programmes d’IA doivent en effet s’entraîner sur d’énormes masses de données, générées par des humains. Les nombreuses informations que les utilisateurs de Facebook et Instagram publient sur ces plates-formes sont une mine d’or pour Meta, en pointe dans le domaine de l’IA.

Or, l’Union européenne se montre plus protectrice que d’autres sur la question des données personnelles de ses citoyens. Ce qui explique que Meta mette en place cette nouvelle politique plus tardivement que dans d’autres régions du monde, comme les Etats-Unis, et permette aux utilisateurs européens de refuser l’exploitation de leurs données pour entraîner ses IA – un choix que n’ont pas eu les Américains.

Quelles données seront exploitées par Meta pour entraîner ses IA ?

L’entreprise utilisera notamment « les informations partagées par les internautes sur les produits et services Meta », comme les textes, les photos, les commentaires ou encore les stories (publications temporaires) publiés sur Facebook ou Instagram. Elle promet toutefois qu’elle n’utilisera pas « le contenu de vos messages privés ». La société exploitera aussi « les informations que les gens partagent quand ils interagissent avec nos produits d’IA generative », comme les robots conversationnels par exemple.

L’entreprise ajoute qu’elle pourra aussi récolter des données n’appartenant pas à des utilisateurs de ses services : « Par exemple, cela peut être le cas si vous apparaissez sur une image partagée par un·e utilisateur·ice sur nos produits ou services ou si une personne mentionne des informations vous concernant dans des messages ou des légendes partagées sur nos produits et services. »

Quelles sont les « expériences d’IA » auxquelles vont servir les données ?

Meta propose déjà dans certains pays des services comme le tchatbot Meta AI, fondé sur son modèle de traitement du langage Llama. Le groupe propose aussi un outil de génération d’image ou des gadgets permettant par exemple « de créer des stickers personnalisés pour les tchats ou les stories ».

Mais les données des utilisateurs pourraient servir à développer d’autres programmes. Et c’est d’ailleurs l’un des problèmes soulevés par l’association NOYB. « Meta ne dit pas à quelles fins il va utiliser ces données, déplore dans un communiqué Max Schrems, le cofondateur de l’association. Ça pourrait être pour un simple tchatbot, pour un ciblage publicitaire très agressif, ou même un drone tueur. » Le militant estime que cela contrevient au règlement européen sur la protection des données (RGPD).

Comment empêcher Meta d’exploiter ses données pour l’IA ?

Par défaut, à partir du 26 juin, tout utilisateur des produits de Meta verra ses données exploitées pour nourrir ses systèmes d’IA, à moins de faire connaître son opposition, option possible pour les utilisateurs européens. Facebook fournit un lien pour cela, qu’il faut aller chercher sur la page « politique de confidentialité ». Mais au moment d’écrire ces lignes, celui-ci ne fonctionnait pas.

Capture d’écran du message d’erreur apparaissant, vendredi 7 juin, lorsque l’on tente d’accéder au formulaire mis en place par Meta.

Sur Instagram, il faut se rendre sur cette page, qui laisse toutefois entendre que toute demande ne sera pas forcément prise en compte (« si votre demande est acceptée, elle sera appliquée à l’avenir »). Il faut alors remplir un formulaire en donnant quelques informations basiques (pays, adresse e-mail) et, plus étonnamment, justifier sa demande : « Veuillez nous expliquer l’incidence de ce traitement sur vous. » Pour confirmer sa démarche, il faut ensuite se rendre sur sa boîte e-mail pour récupérer un code envoyé par Meta. Et attendre la réponse, qui peut arriver dans la minute par e-mail.

Pour empêcher que ses données personnelles ne soient recueillies par Meta pour entraîner son IA, il faut motiver sa demande.

« Une farce », dénonce l’association NOYB. Selon Max Schrems, Meta « a pris soin de concevoir des tonnes de petites distractions pour s’assurer que seul un tout petit nombre d’utilisateurs prenne la peine de s’opposer ».

La procédure de NOYB contre Meta peut-elle aboutir ?

Max Schrems a en tout cas obtenu plusieurs victoires majeures ces dernières années contre les géants du numérique. En 2015, l’activiste autrichien a fait invalider l’accord « Safe Harbor », qui encadrait la façon dont les entreprises américaines pouvaient transférer vers les Etats-Unis les données des citoyens européens. En 2023, il a aussi contribué à faire condamner Meta à une amende record de 1,2 milliard d’euros, dans le cadre du RGPD.

Le Monde

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Il n’est pas le seul à s’indigner : des internautes ont fait part de leur colère sur les réseaux sociaux et des artistes, qui publient depuis des années leur travail sur Instagram, ont quitté la plate-forme. Le 6 juin, le site spécialisé TechCrunch rapportait que la récente plate-forme Cara, fondée par l’artiste anti-IA Jingna Zhang pour offrir une alternative à Instagram en mettant l’accent sur la protection des droits des utilisateurs, était passée en une semaine de 40 000 à 650 000 usagers, à la suite des annonces de Meta.

Lire le décryptage | Article réservé à nos abonnés Comment les artistes tentent de se défendre face à l’intelligence artificielle

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