Fin octobre, ce sera le premier anniversaire de l’annonce de « Horizon Worlds« , par Facebook, et son changement de nom en Meta Platforms Inc. Une vision de rupture, d’un univers virtuel, qui a lancé ou relancé, une série d’annonces et d’investissements dans le Web3, très suivie par GreenSI.
Mais aujourd’hui la prise de conscience que cette vision initiale poussée par Meta, sera certainement un échec, commence à s’installer. La sortie de « Horizon Worlds » a fait flop, Mark Zuckerberg est raillé sur les réseaux sociaux et même les employés de Méta n’y vont pas, se faisant rappeler à l’ordre par un mémo interne cette semaine. Le scénario de rupture à la « Ready Player One » a certainement déjà échoué, même si les séminaires et certains consultants, très optimistes, cherchent toujours à vous faire croire l’inverse.
En revanche, les milliards investis en développement et capital risque, produiront certainement de nouvelles choses, comme la montée de nouveaux acteurs attirant les internautes et l’affaiblissement d’autres, dont peut-être Meta si on en juge par la faible confiance des investisseurs dans son futur (prix de l’action divisé par 3).
Plus qu’une rupture, il semble que nous nous engageons dans un scénario d’évolution, peut être forte, de l’expérience des internautes dans les domaines où ils le demandent.
Les premiers de ces domaines, comme on l’a vu dans des billets précédents, ce sont les spectacles, les voyages, les jeux vidéos et le shopping de biens, là où l’immersion réelle amène quelque chose (voir les statistiques de Reach3Insight). Ce sont des expériences qui basculent du « temps réel » en « temps virtuel » (on aurait passé 2h dans ce concert avant « d’y aller en ligne »). Une sorte d’hybridation entre réel et virtuel, pour bénéficier de la meilleure expérience augmentée.
Dans le B2B et l’entreprise, c’est l’évolution vers des réunions à distance plus efficaces qui suscite de l’intérêt. Mais là encore, il s’agit d’un moment particulier et pas d’une immersion toute une journée. Les business modèles qui reposent sur des utilisations du Metavers de plusieurs heures par jour, sont certainement un peu trop optimistes et risquent de perdre de l’argent.
On a aussi appris cette dernière année, qu’il n’y aurait pas un Métavers, mais de multiples univers virtuels.
La grande majorité seront privés, avec leurs CGU propres et leurs monnaies pour rentabiliser leurs infrastructures. Des univers pas nécessairement interopérables entre eux. Pour l’illustrer, demandez-vous si vous avez envie d’être propriétaire un bungalow dans un Center parcs ou dans la forêt, à côté de Center Parcs. Dans le premier cas, vous partagez les installations de loisirs, mais aussi vos revenus, et vous dépendez à 100% de cette infrastructure qui peut péricliter en entrainant vos investissement avec, voire vous bannir si elles seule juge que vous ne respectez pas les CGU. Et ce qui est vrai pour un chez vous virtuel, l’est aussi avec votre sac a dos et l’inventaire de vos biens.
La non transférabilité de votre bungalow, ou de vos biens, est aussi un frein supplémentaire.
Si on regarde les statistiques publiées par les Métavers déjà ouverts comme Decentraland et TheSandBox, les chiffres de fréquentation sont très faibles (quelques milliers de personnes par jour) et les chiffres de transaction dans les monnaies de ces univers, respectivement le MANA et le SAND, sont encore plus faibles (dix fois moins). Attention donc à l’illusion des centaines de milliers d’utilisateurs du Metavers annoncés dans les conférences, c’est la somme d’univers fermés. Ils ne peuvent donc pas interagir entre eux, contrairement au début de l’internet et bénéficier de la loi de Metcalfe qui fait augmenter la valeur d’un réseau plus vite que son nombre de participants.
De plus, pour leur vendre quelque chose ou interagir, vous allez devoir multiplier votre présence dans tous les univers. On peut d’ailleurs imaginer qu’un business qui lui risque d’être rentable, sera de gérer les interactions entre univers et de prendre un pourcentage des transactions 😉
Certes il y a un forum de normalisation du Metavers, mais qui regroupe surtout des acteurs des infrastructures, notamment des casques et réseaux, et ces plateformes qui sont déjà dans les usages comme Decentraland ou TheSandBox, n’en font par partie…
Enfin, aujourd’hui, la quasi majorité des achats/échanges de NFT, ces jetons qui prouvent votre propriété, le sont sur des marketplaces d’objets et pas dans des univers virtuels.
La vision du lancement de Méta, celle de l’univers virtuel, accessible par un casque, où vous serez propriétaire (en payant un loyer) et où vous pourrez collaborer et interagir avec votre entourage, acheter et vendre des objets, est donc en train de s’éloigner. Le dernier billet faisait l’analyse du manque d’adoption des casques, mais cette incertitude se multiplie par celle du manque d’adoption des monnaies. Il ne se passera rien de massif avant 2025, voire 2030.
En attendant les univers 3D, accessible par un simple écran – beaucoup plus répandu qu’un casque – et ne demandant pas une monnaie ou un propriété, continuent de se développer. Il y a fort à parier que les déçus ou les impatients font continuer de faire grandir ces univers, qui eux vont pouvoir tester plus rapidement les usages attendus par les consommateurs de virtuel. Faisons le tour de quelques unes de ces plateformes.
Roblox c’est cet univers aux personnages inspirés de MineCraft. Il propose d’améliorer votre expérience avec une option réalité virtuelle. Il est compatible avec les casques déjà anciens, Oculus Rift et HTC Vive.
Contrairement à Horizon Worlds, Roblox peut ainsi promouvoir son univers sans VR, auprès de ceux qui n’ont pas de casque VR, mais juste un PC avec une bonne carte graphique. Cela permet d’imaginer plus vite de financer à plus grande échelle de nouvelles fonctionnalités. Car l’immersif avec un grand écran peut être tout aussi attractif, du moins d’ici 2025, en attendant que les casques se soient un peu démocratisés.
Idem pour Epic Games (éditeur de Fornite), qui dans ses faits de guerre s’est attaqué au monopole d’Apple en refusant de payer le péage d’Apple à 60%, et a été banni des iPhone un moment. Ce conflit est révélateur des futurs conflits des Métavers car, comme dans le jeu vidéo, on voit bien l’industrie se séparer entre les producteurs de contenus multi-plateformes et les plateformes qui elles veulent être centrales.
Epic Games poursuit son développement avec des concerts live dans le jeu et Aya Nakamura est la prochaine à rejoindre cet univers virtuel pour un concert. Les plateformes auront besoin de ces contenus pour amortir leurs investissements en infrastructures, mais aimeraient bien emporter les deux parties, celle de la plateforme et celle du contenu immersif.
C’est d’ailleurs peut être l’angle mort de la stratégie de Meta, qui avec Facebook s’est développé sur le contenu des autres, mais finalement n’a jamais produit de contenu en propre, à l’instar d’un Google qui est allé scanner la planète en 3D pour Google Earth.
A côté de ces mondes privés, construits sur des technologies propriétaires, on pourrait aussi imaginer qu’une technologie open source puisse émerger. Elle serait disponible à tous pour construire « son monde » (son serveur) et l’interconnecter aux mondes des autres. C’est quand même un peu l’idée de l’Internet, non ?
Par exemple, une association de protection du patrimoine pourrait y créer les versions virtuelles et interactives des œuvres qu’elle protège, quand une collectivité s’intéresserait à recréer des espaces publics et y animer ses missions territoriales. L’esprit et les standards du web devraient nous amener à ce scénario, quand Wikipedia est là pour nous rappeler qu’un actif collaboratif utile c’est possible.
Mais c’est vrai que ce scénario n’attire pas les investisseurs en mal de valorisation rapide, et Wikipedia continue de collecter des fonds pour assurer son indépendance.
Ce scenario n’est pourtant pas totalement imaginaire. Il existe déjà des technologies comme Open Simulator, serveur d’applications 3D open source multi-plateforme et multi-utilisateurs, qui permettent de créer un environnement virtuel similaire à Second Life™. Il ne lui manque qu’un client et est donc prévu pour s’intégrer à des applications virtuelles (avec une licence BSD qui lui permet d’être intégré dans les produits).
Des associations de passionnés, comme la française MezaLab, essayent de donner vie à des projets alternatifs à celui des GAFAs en positionnant le « Metaweb » comme une plaque tournante qui peut unifier les interfaces numériques.
Par contraste, le Metavers est pour l’instant un projet qui segmente les usages et sépare les mondes virtuels privés. C’est finalement une bonne nouvelle que le scénario de rupture souhaitait par Méta ait peu de chance de s’imposer rapidement, cela va nous laisser le temps de réfléchir a ce que l’on veut en faire, et aux politiques à ne pas se laisser dépasser trop vite sur le volet législatif et régulation.
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